Caprice d’enfant
Le 16 décembre 2010
Filmé dans un temple romain à Balbeek, Salomé est une des oeuvres les plus hypnotiques de Werner Schroeter.
- Réalisateur : Werner Schroeter
- Acteurs : Magdalena Montezuma, Mascha Elm-Rabben, Thomas von Keyserling, Ellen Umlauf, René Schönberg, Joachim Paede
- Genre : Drame, Musical, Théâtre
- Nationalité : Allemand
- Plus d'informations : http://www.centrepompidou.fr
- Festival : Rétrospective Schroeter à Beaubourg
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– Durée : 1h21mn
– Tournage : du 11 janvier au 3 février 1971
La pièce d’Oscar Wilde filmée sur les marches d’un temple romain à Balbeek. Salomé est une des oeuvres les plus hypnotiques de Werner Schroeter.
L’argument : Tourné dans un temple romain à Baalbek au Liban, d’après la pièce d’Oscar Wilde, ce film pour la télévision met en scène le drame de Salomé, qui demande à Hérode la tête de Jean-Baptiste, qu’elle aime et qui l’a rejetée.
Notre avis : La pièce Salomé (1893), drame en un acte qu’Oscar Wilde écrivit en français, est certainement la version littéraire la plus célèbre de l’histoire de la fille d’Hérode, roi de Judée, réclamant à son père la tête, sur un plateau d’argent, de Jean-Baptiste (Jokanaan).
La postérité du texte repose surtout sur celle de l’opéra en un acte qu’en tira Richard Strauss en 1905 et dont la danse des sept voiles et le monologue final extatique de l’héroïne embrassant la tête coupée du prophète sont devenus de véritables tubes.
Le cinéma ne pouvait manquer de s’attaquer à ce sujet chargé d’érotisme morbide. Si l’on peut oublier le péplum poussif de Wiliam Dieterle avec Rita Hayworth (1953), on regardera avec curiosité la rutilante version art-déco de Charles Bryant avec Alla Nazimova en elfe pervers (1923) et la variation arty sur le thème par Tsai Ming-Liang dans Visage.
Mais les Salomé les plus fascinantes datent toutes deux de 1971. Il s’agit de celle, explosive, de Carmelo Bene, et de ce film que Werner Schroeter alla tourner au Liban, sur les marches d’un temple romain de Balbeek.
Le dispositif est minimaliste et le cinéaste s’astreint à une unité de style inhabituelle chez lui mais qui convient bien au caractère lancinant et répétitif du texte de Wilde (traduit en allemand). La caméra, tenue exceptionnellement par Robert van Ackeren et non par Schroeter lui-même, ne fait que de légers mouvements latéraux, découvrant la geôle très symbolique du prophète, ou des zooms avant et arrière lorsque l’action se concentre sur un personnage ou au contraire prend davantage d’ampleur.
Des serviteurs récitent parfois des dialogues en arabe non traduit qui rajoutent encore à l’étrangeté de l’ensemble.
Le texte de Wilde est proféré sur un ton déclamatoire mais selon un mode propre à chaque personnage. Ellen Umlauf en Hérodias hurlante est constamment dans le registre de l’hystérie, dessinant un terrifiant personnage de mégère grotesque. Le Jokanaan livide de Thomas von Keyserling est comme pétrifié dans sa foi inébranlable et martèle des sentences définitives. Narraboth et le page prennent des poses et un ton dolents.
Mascha Elm-Rabben est une Salomé au corps d’adolescente androgyne et sa danse des sept voiles est une cérémonie minutieusement exécutée dont la charge érotique est délibérément désamorcée. Elle interprète le rôle avec une espèce d’innocence enfantine et dure qui fascine.
Mais c’est une fois de plus Magdalena Montezuma qui fournit la prestation la plus ahurissante : Hérode au crâne rasé, elle chante et mime son rôle comme si elle le mettait à l’épreuve de toutes les inflexions possibles.
Bien plus que l’érotisme morbide souvent associé à la pièce, c’est un rituel barbare qui se déroule sous les yeux d’un spectateur sidéré. Les musiques (Strauss, Wagner, Gluck, Bellini, mais aussi l’inévitable Paloma ou des danses libanaises) sont utilisées avec une sureté infaillible : toujours surprenantes mais toujours justes.
Une remarquable restauration a rendu à Salomé les couleurs vives des étonnants costumes d’Effi Mikesch et les teintes froides de l’hivers libanais. Le film, un des plus parfaitement clos de Schroeter, a l’éclat du diamant brut.
Deux ans plus tard, le cinéaste remontera la pièce de Wilde à Bochum avec Christine Kaufmann, Ingrid Caven et Magdalena Montezuma.
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