Le rose pourpre d’Hecker
Le 7 mai 2003
De grandes chansons baignant dans une atmosphère digne de Six feet under.
- Artiste : Hecker, Maximilian
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Voilà un an, ce jeune songwriter allemand sorti de nulle part imposait une pop désespérée et charnelle sur Infinite Love Songs, collection de chansons magistrales à peine mises en forme. Aujourd’hui, Rose enfonce le clou.
Telle Cécilia dans La rose pourpre du Caire, Maximilian Hecker trouverait la vie insupportable sans magie. En guise de magie, elle avait le cinéma, lui a la musique. Une musique profondément désespérée sur un premier album noirci par des textes d’une brutalité froide ("And today, I will kill myself", chantait-il sur Today). Mais aujourd’hui, Maximilian va mieux. Certes, il ne voit pas la vie en rose, et celle qui orne la pochette de son Rose est noire. Mais lorsqu’il parle d’amours impossibles ou de mort, il enrobe désormais ses chansons d’une spiritualité presque optimiste. Celles-ci se teintent alors d’un pourpre capiteux que des arrangements saugrenus transforment en requiems tragi-comiques dignes de Six Feet Under. Ses chansons sentent la bière, certes, mais pas celle que l’on descend allègrement à Munich.
Maximilian avait prévenu : son premier album n’était pour lui qu’une collection de démos que son label Kitty-yo voulait absolument sortir en l’état. Lui rêvait déjà d’arrangements grandioses et d’envolées lyriques, tant il savait ses chansons taillées pour de telles exubérances. C’est donc sans surprise qu’à peine un an après Infinite Love Songs nous parvient ce Rose dont l’habillage sonore a été confié à Gareth Jones, vieux routier de l’électro-pop et de la noirceur estampillée Mute (Depeche Mode, Nick Cave, Einstürzende Neubauten). Le producteur s’est ici habilement contenté de souligner les traits caractéristiques de la marque de fabrique Hecker : mélodies à la progression dramatique (le sublime morceau d’ouverture Kate Moss), voix si haut perchée qu’elle donne parfois l’impression de disparaître au-dessus de nuages d’arrangements, tendance à rompre le développement délicat d’une mélodie par des trouées sonores d’une violence qui frise parfois le grotesque (My Friends).
Sur tous ces points, Hecker est imbattable. Il excelle ainsi dans des mélodies passant par tous les états, empruntant des montagnes russes. Entamées au piano, elles sont parfois rattrapées par une rythmique électro désuète (Daylight), parfois menacées par des guitares électriques aériennes ou salies par des synthétiseurs bon marché. Kate Moss baigne ainsi dans une pop seventies toute française, se rapprochant de l’univers de Sébastien Tellier (protégé de Air), autre romantique aux mélodies tortueuses, voire du Gainsbourg de L’homme à tête de chou. Mais c’est le morceau de clôture qui donne tout son sens à l’album, ce Rose au lyrisme désespéré qui fait écho à Today : un piano lennonien soutient une voix fragile qu’un arpège de guitare vient renforcer ; cette mélopée vient ensuite se fracasser contre une déferlante de guitares saturées, puis réapparaît à peine ébranlée, suspendue dans le temps, pour finalement disparaître sur un dernier accord de piano à peine audible. Magistral et irrésistible.
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