Le 22 octobre 2017
Forcément inégal, ce film à sketches traite sur des tons différents d’un sujet tabou : quatre ans après la fin de la guerre, il met courageusement en lumière les problèmes du retour de captivité.
- Réalisateurs : Henri-Georges Clouzot - Georges Lampin - André Cayatte - Jean Dréville
- Acteurs : Serge Reggiani, Bernard Blier, François Périer, Louis Jouvet, Noël-Noël
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : TF1 Vidéo
- Durée : 1h50mn
- Reprise: 8 novembre 2017
- Box-office : 2 356 694 entrées France
- Date de sortie : 14 novembre 1949
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– Ce film est compris dans le beau coffret DVD : Clouzot l’essentiel, qui paraît le 24 octobre 2017
Résumé : Le difficile retour à une vie sociale et affective pour des anciens prisonniers et déportés.
Notre avis : Premier film à sketches réalisé par plusieurs auteurs, Retour à la vie frappe d’abord par son thème fort peu traité, mais aussi par deux constantes qui en font l’unité : la force des dialogues, très écrits, et la quasi absence de musique. Pour le reste, les segments sont inégaux (c’est une tarte à la crème du genre), mais à l’exception de celui que Georges Lampin a signé, plutôt de bonne tenue.
Après une introduction en voix off précautionneuse, on entre dans le film par le drame : Emma revient des camps, quasi muette, et sa famille doit lui dire qu’elle a imité sa signature pour toucher un héritage. Cayatte met en scène avec sûreté la mauvaise conscience aussi bien que les rancœurs et disputes et, s’il en fait un peu trop dans le genre sulpicien en présentant Emma baignée de lumière, il offre à Bernard Blier un magnifique monologue tourmenté. Quand celui-ci demande pardon, quand Emma prononce sa seule parole (« de quoi est mort le chien ? »), il parvient à une émotion réelle, par la litote plutôt que l’excès. La méchanceté s’efface alors, face à cette femme déjà ailleurs, figure doloriste qui préfère dormir à terre que sur un lit trop doux.
On descend d’un cran avec Lampin, qui signe une comédie légère sur un barman (François Périer) victime de la séduction et de la jalousie de femmes militaires. Sans saveur, parfaitement anodin, presque misogyne (mais le reproche frise l’anachronisme), c’est le vrai point faible du métrage.
Le sommet est atteint avec le petit chef-d’œuvre de Clouzot, magistralement interprété par un Louis Jouvet véritablement habité : le cinéaste tire à vue sur les collaborateurs, la police, la foule et son voyeurisme, l’ambiguïté des « bonnes gens », avec une férocité noire qui sent le règlement de comptes. Cependant le segment va beaucoup plus loin : Jouvet incarne un blessé revenu de tout, sarcastique, qui héberge malgré lui un tortionnaire allemand traqué. Ce qui l’intéresse, c’est de comprendre : comment un père de famille parvient-il à supplicier sans remords ? Alors il le questionne, devenant à son tour un bourreau. Mais Clouzot dans son pessimisme va plus loin : les deux hommes, le « bon » et le « mauvais » sont des doubles : anciens professeurs, c’est en quelque sorte le hasard de la naissance qui les a placés d’un côté ou de l’autre de la morale. On voit que Clouzot anticipe ici la fameuse « banalité du mal » de Hannah Arendt et interroge l’humanité, capable du pire sans justification autre qu’un sens du devoir et, à l’aide d’une caméra mobile, d’un montage sec et d’une utilisation habile des plongées/contre-plongées, il livre un bijou ambigu et d’une force incroyable.
Jean Dréville, même s’il reste en deçà, ne démérite pas dans les deux segments qu’il a réalisés : certes, le premier repose sur la bonhomie du sympathique Noël-Noël et l’optimisme final est un peu forcé. Mais il ne se prive pas de moquer les officiels et les comités d’épuration qui amnistient les puissants. Si la satire reste gentille, Dréville trouve dans le dernier sketch une gravité émouvante en analysant les réactions des bonnes gens devant un prisonnier qui revient avec une femme allemande. On pourra sourire du dénouement, mais le cinéaste trouve dans des détails très forts, comme la lecture des morts pour la France ou une image conclusive marquante, une réelle puissance derrière l’apparence anodine.
Au total, ce film méconnu gagne largement à être vu ; malgré un vilain petit canard, il intéressera autant les passionnés d’histoire que les cinéphiles, épatés par le talent évident de Clouzot, émus par Dréville ou Cayatte. Autrement dit, une rareté immanquable.
Les suppléments :
Outre la bande-annonce, le DVD propose une intéressante analyse de Pierre-Henri Gibert, qui ne s’occupe que du segment réalisé par Clouzot, le resituant dans la carrière et la thématique du maître.
L’image :
La restauration a gommé tout parasite et redonne au noir et blanc tout son lustre. C’est patent en particulier pour la partie Clouzot, dont l’image travaillée gagne en relief et en précision. Quelques fourmillements sans gravité.
Le son :
Globalement, la version mono Dolby Digital est respectueuse de l’œuvre et restitue des dialogues parfaitement audibles. De rares acidités, surtout dans le dernier sketch.
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