« Avec son tralala »
Le 11 septembre 2021
Cette enquête criminelle, chef-d’œuvre du cinéma français d’après-guerre, est typique de la noirceur de Clouzot. Louis Jouvet, Suzy Delair et Bernard Blier y trouvent leurs meilleurs rôles.
- Réalisateur : Henri-Georges Clouzot
- Acteurs : Bernard Blier, Robert Dalban, Louis Jouvet, Raymond Bussières, Suzy Delair, Charles Dullin, Jeanne Fusier-Gir, Jacques Grétillat , Charles Blavette, Dora Doll, Paul Demange, Sinoël, Palmyre Levasseur, René Lacourt, Simone Renant, René Blancard, Henri Arius, Annette Poivre, Gilberte Géniat
- Genre : Comédie dramatique, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, LGBTQIA+, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Acacias, Les Films Corona
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h45mn
- Date télé : 11 novembre 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 8 novembre 2017
- Box-office : 5.552.769 entrées France / 1.700.520 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 3 octobre 1947
- Festival : Festival de Venise 1947
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Résumé : Jenny Lamour, chanteuse de music-hall douée, ne manque pas d’ambition. Elle accepte l’invitation à dîner de Brignon, homme riche et puissant qui peut l’aider dans sa carrière malgré l’opposition de Maurice, son époux. Jaloux et se croyant trompé, Maurice se précipite chez Brignon pour découvrir son rival assassiné.
Critique : Après les ennuis que lui a occasionné Le corbeau à la Libération, Henri-Georges Clouzot dut attendre plusieurs mois avant d’entreprendre le tournage de Quai des Orfèvres, dont l’accueil triomphal, public et critique, devait confirmer sa place de premier plan dans le cinéma français. Sous le prétexte d’une intrigue policière assez banale (adaptée d’un roman mineur), le film est une étude de mœurs implacable doublée d’un polar rondement mené. La dimension criminelle de l’intrigue n’apparaît en fait qu’au bout de trente minutes : la longue exposition dépeint sur un ton léger l’existence de la chanteuse Jenny Lamour (Suzy Delair) et de son pitoyable époux compositeur (Bernard Blier). Le spectateur est alors ballotté entre un subtil vaudeville et le terrain élégant de la comédie musicale. Entre deux scènes de jalousie que lui fait subir « son biquet », Jenny déploie ses talents lyriques sur la scène d’un music-hall et l’exquise Suzy Delair se livre à un numéro mémorable, fredonnant une ritournelle (Avec son tralala) qui restera célèbre dans les annales de la chanson. Et pourtant, on sent déjà la noirceur chère à Clouzot au détour de répliques cinglantes, une noirceur qui prendra le dessus dès l’assassinat de Brignon (Charles Dullin), l’odieux industriel. L’arrivée du cynique et désabusé inspecteur Antoine (Louis Jouvet, impérial), et l’enquête policière qui s’ensuit, donneront en effet une prédominance dramatique à l’intrigue, en dépit d’un humour noir récurrent. Le pessimisme de Clouzot est alors manifeste à travers une description de l’arrivisme professionnel, des mesquineries conjugales ou des bassesses des puissants.
Pourtant, rien de manichéen dans cet univers désenchanté, le couple Martineau/Jenny étant en fait sauvé par l’amour. Et c’est en l’amour que semble seulement croire le cinéaste, qu’il soit entre époux, extraconjugal, ou filial. Et là, le scénario présente d’audacieux détours pour l’époque : l’inspecteur Antoine exerce sa fibre paternelle auprès d’un petit garçon noir qu’il a adopté, seul, à son retour des colonies. Et quand il assène à Dora (Simone Renant), la photographe, qu’elle est un type dans son genre, c’est bien une allusion à l’homosexualité de la jeune femme. Contournant la censure de son temps, Clouzot se risque même à dénoncer les violences policières, avec une scène peu conforme aux schémas des polars alors en vigueur. Au-delà de la finesse du scénario, on soulignera la qualité picturale de l’œuvre. La photo d’Armand Thirard et les décors de Max Douy ne sont pas pour rien dans la fascination de ce film d’atmosphère, influencé par l’expressionnisme, mais qui établit aussi des correspondances avec le film noir américain alors en plein essor. Précisons enfin que tous les interprètes sont parfaits, jusqu’au moindre petit rôle : de Pierre Larquey en chauffeur de taxi qui refuse de moucharder à Raymond Bussières et Robert Dalban en minables malfrats, en passant par Jeanne-Fusier-Gir, Claudine Dupuis, Arius, Blavette ou Sinoël, un échantillon inspiré de la galerie des « excentriques » du cinéma français défile sous nos yeux.
– Festival de Venise 1947 : Prix de la mise en scène
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