Tu ne tueras point
Le 21 juillet 2009
Plaidoyer contre la peine de mort, ce film à thèse alimenta les débats dans les pages "société" des journaux de l’époque. André Cayatte, spécialiste des sujets judiciaires, s’attirera les foudres des jeunes Turcs de la Nouvelle Vague.
- Réalisateur : André Cayatte
- Acteurs : Nicole Régnault, Sylvie, Louis Seigner, Jacqueline Pierreux, Jean-Pierre Grenier, Anouk Ferjac, Roger Hanin, Marcel Mouloudji, Raymond Pellegrin, Antoine Balpêtré, Claude Laydu, Georges Poujouly, Lucien Nat, Gérard Darrieu, Paul Frankeur, Marcel Pérès, Yvonne de Bray, Roland Lesaffre, Jean Daurand, Jean-Roger Caussimon, Henri Crémieux, Yvette Étievant, Edmond Ardisson, Henri Vilbert, Guy Decomble, Léon Larive, Alexandre Rignault, Léonce Corne, Paul Barge, Bernard Musson
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Politique, Noir et blanc
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Alliance Générale de Distribution Cinématographique (AGDC)
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Titre original : 1h53mn
- Date de sortie : 21 mai 1952
- Festival : Festival de Cannes 1952
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L’argument : René Le Guen est un assassin qui, après la guerre, sévit lors de la Libération. Arrêté, condamné à mort, il se retrouve avec d’autres prisonniers, également meurtriers. Son avocat cherche à obtenir la grâce en mettant en cause la société.
Notre avis : En 1950, Justice est faite (Lion d’or au Festival de Venise) marqua l’entrée d’André Cayatte dans la liste des personnalités du cinéma français. Cet ancien avocat, qui avait collaboré avec Prévert sur Les Amants de Vérone inventa, pour le meilleur et pour le pire, le « film à thèse » judiciaire. Nous sommes tous des assassins se situe dans une ligne médiane et comporte les qualités et défauts du réalisateur. Cayatte, à travers le cas Le Guen, s’inspire d’une histoire vraie, la demande de grâce (finalement obtenue) du véritable condamné à mort coïncidant d’ailleurs avec la sortie du film. Courageux dans le contexte réactionnaire de l’époque (n’oublions pas que la peine de mort ne sera abolie qu’en 1982), le film démonte les préjugés sur le supposé bienfait du jugement « exemplaire » en soulignant les déterminismes sociaux : ancien homme de main de la Résistance, appelé à l’occasion pour exécuter des traîtres, Le Guen, illettré et vivant dans une situation précaire, est victime des changements de vision à la Libération qui ne pardonnera pas le moindre écart aux normes du Code pénal.
Marcel Mouloudji prête sa bouille et son jeune talent au meurtrier à qui la société ne permettra pas une tentative de rédemption et de rachat. Des dialogues pertinents fustigent l’hypocrisie de l’Église, qui s’accommode d’une peine que son dogme condamne, au nom du maintien de l’ordre social. Par ailleurs, Truffaut dénonçant "une certaine tendance du cinéma français" et les jeunes Turcs de la Nouvelle vague seront sans doute excessifs lorsqu’il déploreront l’absence de mise en scène de Cayatte : les premières séquences dans le bidonville ne sont pas sans évoquer un certain néoréalisme italien, un règlement de comptes entre bandits corses est d’une sècheresse toute hawksienne et les scènes de cellule sont saisissantes dans leur violence des situations. Comme dans Justice est faite, le cinéaste se révèle être un authentique directeur d’acteurs, sans recours à des stars, ni non-professionnels, mais en utilisant le gratin des seconds rôles de l’époque : Raymond Pellegrin en truand corse, Marcel Pérès en épileptique, Georges Poujouly en gavroche, Antoine Balpétré en médecin meurtrier, Louis Seigner en prêtre opportuniste ou Sylvie en vieille dame déjà indigne composent une mosaïque des névroses de la société française de l’époque.
En même temps, ces personnages et les dialogues qui les font vivre sont symptomatiques d’un certain cinéma faussement social des années 50. À l’instar des paysans de Jeux interdits, sorti la même année, cet échantillon de la France profonde est davantage fondé sur des stéréotypes, loin de la véracité sociologique à laquelle Cayatte pourrait prétendre : le sadisme du patron qui recueille le petit Michel ou le caractère borné du père de l’avocat traduisent un certain manichéisme, l’auteur n’étant guère tendre avec certains de ses personnages. Et quand une chiffonnière (interprétée par l’excentrique Yvonne de Bray) accorde des circonstances atténuantes à un tueur d’enfant, on est dans le registre du propos de café de commerce que l’avocat Cayatte prétend justement combattre. Tel quel, le film ne mérite donc ni louanges ni sévérité. Si le cinéaste sera par la suite dépassé sur son propre terrain et tombera dans l’académisme (Verdict, avec Sophia Loren et Jean Gabin, sera une caricature de sa démarche), Nous sommes tous des assassins reste un étalon du film humaniste. Sans atteindre la force de La Pendaison d’Oshima ou de Tu ne tueras point de Kieslowski, œuvres majeures d’authentiques artistes, le film est précurseur d’un courant qui englobera des cinéastes aussi divers que Costa-Gavras, Tim Robbins ou Michael Moore.
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