Rencontre avec Wandrille

Enervant pour les uns, insupportable pour les autres, Wandrille [1] se fait tour à tour auteur de BD, éditeur (Warum)... et depuis quelque temps one-man-blagueur dans des bars parisiens, juste à côté du flipper. Là, il répond à nos questions. Infatigable

Warum ? Pourquoi ?
Voilà une bonne question, ah là là, pourquoi, pourquoi donc ? Tu savais que Warum voulait dire “pourquoi” en allemand, d’ailleurs ? ça n’a pas de rapport avec nous, hein... C’est une pure coïncidence...
Alors pourquoi les éditions Warum ? Hé bien, Warum résulte du constat suivant concernant la bande dessinée contemporaine engagée, c’est qu’aucun des éditeurs existant à l’époque n’était prêt à éditer cette flopée d’auteurs talentueux qui étaient Benoît Preteseille, Aude Picault, William Hessel ou Wandrille, et que deux de ces grands créateurs étaient suffisamment mégalos pour trouver cela scandaleusement indigne et ont poussé le vice jusqu’à créer une structure qui serait enchanté de publier ces mêmes personnes, en l’occurrence, ce furent les éditions Warum.
Bien sûr, quand nous seront encore plus connus, nous prétendrons que nous avions l’ambition de renouveler la bande dessinée, actuellement en pleine sclérose, et que même les éditeurs qui se réclamaient de l’avant-garde graphique ne faisaient que de la merde.
En attendant ce joyeux moment, revenons à une certaine réalité, Warum est une structure d’auto-édition qui a vocation à éditer nos propres projets un peu bizarres, les projets qu’on aime bien des gens qu’on aime bien et les projets fabuleux des gens qu’on ne connaît pas encore.

Warum ? Qui ?
Les grands sorciers de cette secte que sont les éditions Warum, ce sont Benoît Preteseille et Wandrille. Ces deux êtres dénués de morale et de conscience civique, uniquement attirés par l’appât du gain, se sont rencontrés aux Arts Déco de Paris, où tous deux ont commis des micro-éditions, chacun dans son propre label, les éditions Ion pour Benoît et Pierre Papier-Ciseaux pour Wandrille.
A la sortie des Arts Déco, après avoir piraté les moyens de l’école pendant quatre ans, ils se sont dit logiquement qu’ils pourraient s’attaquer à ceux de leurs proches avant de piller la bourse du grand public. Ce qui est chose faite avec Warum.

Benoît dirige d’une main de maître la collection "Civilisation" qui regroupe des livres novateurs graphiquement et culturellement prétentieux, des variations littéraires (L’Ecume d’Ecume des jours de Benoît Preteseille, Médée de Mélanie Berger), des essais graphico-pseudo-scientifiques (Atomes de William Hessel) et artistico-casse-gueule (Dadabuk toujours de Preteseille Benoît).
Wandrille domine avec une poigne d’acier la collection "Décadence", phalange sensuelle de Warum, autant dire de la bonne connerie, avec des best-seller tels que le Moi Je d’Aude Picault, ou la propre série autobio de Wandrille, Seul comme les pierres (3 tomes, tout de même), ou des trucs encore plus putassier avec le Famapoil de Choumic Salmon.

Dans tous les cas, on a affaire à de véritables rebuts sociaux qui écrivent dans le but avoué de dynamiter une société pourrie en faisant plein de fric au passage. Pour le moment, on est loin des objectifs, mais les parents respectifs des auteurs sont déjà agacés, c’est un début.

Warum ? A quoi bon ?
Dans le paysage actuel de la bande dessinée française, foisonnante de petits éditeurs et de nouveaux plus petits éditeurs et de micro-éditeurs, tous plus indépendants les uns que les autres, on peut effectivement se demander quelles sont les finalités de l’opération.
En dehors de changer le monde et les esprits, de faire plein de thune et de maille (de l’argent, quoi), Warum sert quand même à faire des choses nouvelles au niveau de la narration, s’éloignant ostensiblement des canons de la BD classique et mélangeant des sources originales, comme la science, les mouvements artistiques méconnus et les sujets de société sulfureux, comme les rencontres sur Internet ou les femmes à poil.
Pour le moment, un livre Warum ne ressemble à aucun autre de ce qui se fait chez nos concurrent, alors pourquoi préférez de la lessive ordinaire quand on peut, pour le même prix avoir deux barils de Warum ?

Warum ? Et ? (ensuite ?)
L’avenir est flou, malgré les sirènes d’Hollywood qui appellent Wandrille et Benoît, lesquels développent en parallèle des créations sur scène (one-macho-show pour l’un et concert-catastrophe pour l’autre), malgré les alléchantes propositions qu’Hachette s’abstient de nous faire par pudeur, je crois, Warum devrait continuer son petit bonhomme de chemin et faire des ovnis graphico-littéraires dont seule une élite inconsciente sera friande, et c’est très bien comme cela, jusqu’à ce que le grand public s’approprie la chose et que nous devenions célèbres, mais à ce moment là ce sera trop tard, on sera déjà morts.
Logiquement.

Propos recueillis dans ma boîte mail, le 18 mai 2006

Le blog des éditions Warum : editionswarum.blogspirit.com