Recessional

S’il est un adjectif galvaudé en matière de musiques électroniques, c’est bien celui de "cinématographique". Sans cesse, à propos de ces détestables compilations qui servent la soupe à tel bar ou tel restaurant, trouve-t-on ces expressions prêtes à l’emploi : "ambiances cinématographiques", ou la formidable "bande originale d’un film qui n’existe pas", alors qu’il s’agit tout bonnement d’un enchaînement plat et linéaire de notes et d’accords qui se contentent de ne pas déranger l’oreille.

On se trouve donc fort ennuyé lorsque l’on tombe sur un disque qui devrait précisément être décrit de la sorte. Recessional pourrait en effet passer pour une bande originale, tant les ambiances qui s’enchaînent racontent une histoire, et les trois membres de 310 pourraient s’imposer comme de réels scénaristes sonores. Pas vraiment intéressés par les dernières évolutions de la musique électronique, plus enclins à puiser dans un vivier plus large, allant des musiques du monde au jazz ou au dub, les trois Américains proposent un réel voyage, qui passe tantôt par les terres du Moyen-Orient (Night on the ocean), tantôt par les mers (A fare to remember), tantôt par les cieux (Cloud rooms). Mais ce voyage a un port d’attache résolument urbain, tant les samples de villes (circulation automobile, bruits de pas) reviennent inlassablement. L’auditeur est ainsi sans cesse baladé par Recessional, qui semble conter l’histoire de flux humains (des gens partent, reviennent, se croisent) et de flux naturels (l’eau, les terres, les nuages) sans pour autant tomber dans le cliché new-age, grâce à une exigence sonore et une maturité qui fait de 310 (prononcez three-ten) un monde musical à part entière.