Le 14 août 2022
Le premier long métrage américain d’Alfred Hitchcock, Oscar du meilleur film, est un modèle d’adaptation littéraire policière, de narration et de mise en scène, magnifiquement porté par Laurence Olivier et Joan Fontaine.
- Réalisateur : Alfred Hitchcock
- Acteurs : Laurence Olivier, Judith Anderson, George Sanders, Joan Fontaine, Leo G. Carroll, Nigel Bruce, C. Aubrey Smith, Reginald Denny, Gladys Cooper, Florence Bates
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Romance, LGBTQIA+, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Les Acacias, Tamasa Distribution , Ciné Sorbonne (reprise), Artedis
- Durée : 2h10mn
- Date télé : 12 mars 2023 20:50
- Chaîne : Arte
- Reprise: 24 août 2022
- Date de sortie : 22 mai 1947
- Plus d'informations : Les 25 polars cultes d’Alfred Hitchcock
- Festival : Film Noir Festival de Gisors 2013, Festival de La Rochelle 2022
– Année de production : 1940
– Sortie en version restaurée : 24 août 2022
Résumé : C’est à Monte-Carlo que le richissime et séduisant veuf Maxim de Winter croise le chemin d’une jeune dame de compagnie qu’il ne tarde pas à séduire. Bientôt, ils se marient et retournent habiter dans le manoir de Manderley, demeure familiale de Maxim, au sud de l’Angleterre. Très rapidement, dans cet endroit lugubre et froid, la nouvelle Mme de Winter se confronte aux domestiques qui ne semblent guère l’apprécier. Mme. Danvers, la gouvernante, est la plus vindicative. Car depuis toujours, elle servait Rebecca, l’ex-épouse de M. de Winter décédée un an plus tôt dans un accident. Son souvenir semble hanter le château...
Critique : Produit par David O’Selznick, Rebecca est le premier film hollywoodien d’Alfred Hitchcock, qui avait connu une brillante première anglaise avec des classiques comme les 39 marches ou sa première version de L’homme qui en savait trop. L’œuvre est l’adaptation d’un roman éponyme de Daphne du Maurier paru deux ans plus tôt. Il est à noter que le cinéaste transposera deux décennies plus tard une nouvelle de l’écrivaine qui deviendra son film Les oiseaux. Bien que la production de Rebecca soit américaine, Hitchcock retrouve largement un cadre britannique, ne serait-ce qu’avec la nationalité de la romancière et de plusieurs interprètes (dont les deux stars à l’affiche), et l’action située sur la côte de Cornouailles, après une première et exquise demi-heure qui nous transpose à Monte-Carlo. Ce mélange de contexte et d’esprit anglais (y compris via l’humour, ici occasionnel) et d’opulence hollywoodienne peut faire de Rebecca une œuvre de transition dans la filmographique du cinéaste. Dès l’ouverture, qui annonce un long flash-back, Hitchcock parvient à créer une atmosphère trouble et fascinante, lorsque la caméra s’approche, de nuit, du luxueux domaine de Manderley, propriété du richissime Maxim de Winter. Welles s’en serait inspiré pour le début de Citizen Kane : c’est dire l’importance que Hitchcock accordait à la composition esthétique de ses plans, et à la mise en scène en général. Rebecca est en effet plastiquement superbe, baignant dans une ambiance quasiment gothique, qui culmine avec une séquence d’incendie saisissante. Il faut préciser que Hitchcock est ici bien épaulé par ses collaborateurs artistiques et techniques, de la photo de George Barnes aux décors de Lyle R. Wheeler, en passant par les costumes d’Irene (non créditée au générique) pour la séquence du bal et surtout la musique lyrique de Franz Waxman. Quant au récit, il combine avec bonheur drame romanesque et (dans sa troisième partie) suspense policier, en cohérence avec les genres de prédilection du maître. Et l’on peut penser que Hitchcock s’est particulièrement intéressé à l’histoire en tant que telle, même si elle provient d’un matériau littéraire et en dépit de la division des tâches hollywoodienne qui a confié l’adaptation à quatre scénaristes dont Joan Harrison, Robert E. Sherwood et Philip MacDonald.
- © 1940 Selznick International Pictures. Tous droits réservés.
On retrouve en effet plusieurs constantes des préoccupations hitchcockiennes, à commencer par le thème du double. La nouvelle Mme de Winter éprouve un complexe d’infériorité à l’égard de la première épouse de son mari, la belle et mystérieuse Rebecca, et à laquelle elle cherche à s’identifier. Cette dualité annonce celles liant les deux « Charlie » dans L’ombre d’un doute, Haynes et Morton dans L’inconnu du Nord-Express, le vrai et Le faux coupable, Madeleine et Judy dans Sueurs froides, Thornhill et Kaplan dans La mort aux trousses, ou Norman et sa mère dans Psychose. Quant aux figures féminines autoritaires de Mme Van Hopper et surtout de la gouvernante Danvers, elles annoncent les matriarches rigides que seront la mère de Sébastian dans Les enchaînés, Lydia Brenner dans Les oiseaux, pour ne pas évoquer Norma Bates. Il n’est pas superflu d’ajouter que Rebecca doit aussi beaucoup à ses interprètes. Laurence Olivier qui venait de triompher avec Les hauts de Hurlevent est parfait en séducteur à la fois classique et ambigu. La délicate Joan Fontaine fait de Mme de Winter une touchante et fragile héroïne hitchcockienne, un an avant Soupçons. Les seconds rôles sont impeccables, de George Sanders en pitoyable maître-chanteur à Florence Bates en vieille peste américaine. Mais c’est Judith Anderson qui crève littéralement l’écran dans l’emploi de Mme Danvers, la gouvernante jalouse et manipulatrice, dont les apparitions spectrales font froid dans le dos. L’ambiguïté sexuelle de son personnage (son adoration maladive de la première Mme de Winter) était particulièrement audacieuse pour l’époque. On l’aura compris : le métrage est à (re) découvrir absolument. On regrettera juste un dernier quart d’heure judiciaire un peu long, mais nécessaire pour dénouer le « MacGuffin » policier. Rebecca a obtenu onze nominations aux Oscars et en a remporté deux, avec les statuettes du meilleur film et de la meilleure photo. Le roman de du Maurier sera l’objet d’autres adaptations, avec deux téléfilms moyens et une médiocre production Netflix signée Ben Wheatley (2020).
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Frédéric Mignard 16 novembre 2008
Rebecca - Alfred Hitchcock - critique
Un grand Hitchcock, fascinant dans ses personnages et la perversité latente de son intrigue.
criss 23 septembre 2022
Rebecca - Alfred Hitchcock - critique
Oui frédéric je suis ok avec ce que tu as écrit.