Critique  : Comme dans le roman précédemment traduit d’Alex Schulman, un malaise enfle peu à peu, s’élevant de ces champs trop verts, de la chaleur trop lourde, des réactions des protagonistes à fleur de peau. Construit en un rythme ternaire qui berce pour mieux surprendre quand les chaos des rails font osciller le wagon, Prochain arrêt se centre sur trois focalisateurs – Harriet, Oskar et Yana. Unis par un lien qui ne tarde pas à se deviner, tous trois sont aussi reliés par la ligne du temps, le passé nourrissant le présent à moins que ce ne soit l’inverse. Le train qui les mène de Stockholm à Malma symbolise ce voyage temporel, traversée des âges à la fois inter- et extra-temporelle. Le paysage qui défile derrière la vitre est propice aux réminiscences, les rêveries éveillées des héros amenant l’auteur à relater des bribes de souvenirs, de traumatismes qui n’apparaissaient pas nécessairement comme tels au moment où ils se sont produits.
L’auteur suédois s’appesantit ainsi sur les petits bouleversements de la vie et sur les ébranlements plus vifs et plus profonds, laissant la psychologie de ses personnages devenir plus nette alors que les pages se tournent et que des secrets se révèlent, compréhensibles seulement en regard de ceux des autres héros. Comme dans Les survivants, la famille occupe ici une place centrale, source des tourments les plus grands et berceau des identités de Harriet, d’Oskar et de Yana. Les pères sont craints par leurs filles, les mères les abandonnent, les sœurs se séparent à jamais, les couples implosent et tout cela est perceptible dans des photographies passées où les sourires ont quelque chose de factice, dans les attitudes trop feutrées, puis explosives des personnages les uns par rapport aux autres. Les psychoses enfantines débordent sur les "moi" devenus adultes, les émotions trop lourdes à porter ont reflué pour mieux s’exprimer autrement, par des pulsions ou des rejets tristes mais représentatifs de notre tendance à souffrir passivement, avec une résignation née de la certitude que toute action est vaine et ne soignera pas une relation qui s’ankylose, destin humain tristement banal.