Le 6 août 2018
Une oeuvre majeure de Bresson, auteur aux préoccupations stylistiques alors à maturité, le classant définitivement à la marge de ses contemporains.
- Réalisateur : Robert Bresson
- Acteurs : Pierre Étaix, Martin LaSalle, Marika Green
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Lux Compagnie Cinématographique de France
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 1h15mn
- Box-office : 457 293 entrées France /185 589 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 16 décembre 1959
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 21 août 2018
Résumé : L’itinéraire de Michel, jeune homme solitaire, fasciné par le vol, qu’il élève au niveau d’un art, persuadé que certains êtres d’élite auraient le droit d’échapper aux lois.
Notre avis : Trois ans après Un condamné à mort s’est échappé, qui tout en respectant une certaine progression dramatique asseyait plus encore qu’auparavant un dépouillement stylistique et une certaine austérité, Bresson sort en salle Pickpocket, qui devient son film le plus accompli dans sa volonté de se libérer de tous les canons admis du cinéma classique.
Pickpocket suit ce personnage, Michel, qui entreprend le vol comme un art d’élite, en recherche constante de la meilleure technique.
Le film s’organise selon ses réflexions en voix off, et quelques pages d’un journal intime comme des chapitres d’un essai, d’une démonstration.
Il ne s’agit pas de lier à l’acte lui-même un suspense qui aurait sa place dans un film policier - l’auteur prend bien soin d’annoncer par un texte placé en début de film que "ce film n’est pas du style policier" - mais plutôt d’une décomposition de mouvements, mouvement qui est le propre de l’art du "cinématographe" comme l’appelle Bresson qui préfère ne pas parler de cinéma pour mieux s’en démarquer. Décompositions de mouvements qui prennent place dans des séquences qui font ressentir au spectateur non pas l’ivresse du délit, mais plutôt une sorte d’atmosphère mystérieuse, entre l’attente du moment et la crainte de se faire prendre.
Le travail de Robert Bresson est d’une précision extrême : précision du découpage et du cadrage, précision des gestes techniques pour lesquels il bénéficie des précieux conseils de Henri Kassagi, pickpocket professionnel de Tunis à Paris avant de rencontrer Bresson pour le film.
Il fait ici de nouveau appel à des comédiens non professionnels, ce qui permet aux séquences de rester vierges de toute théâtralité et autres tics d’acteurs : c’est en modelant l’innocence du jeu et la spontanéité que Bresson extrait la vérité.
Pourtant, il ne s’agit pas de reproductions d’un quotidien de voleurs à visée documentariste. Derrière cette figure, le film questionne le mal tel qu’il est défini par la société. Aucun jugement moral n’est fait à l’égard personnages, ceux-ci exercent simplement des dons extraordinaires pour gagner leur vie, même si le frisson du coup parfait est un moteur puissant. Ainsi, cela devient une quête existentielle, qui se concentre sur la réalisation de soi quand cela dépasse le cadre imposé par la société. Il y a aussi la recherche d’une spiritualité, la crainte d’un jugement supérieur aux hommes. Il n’y aura pas d’épilogue en forme de morale à cette histoire ; s’il y a un destin qui porte les personnages, il n’est pas imperméable au hasard et à l’accidentel.
Radical, le film maintient tout le long une perfection des formes, dans sa sobriété, voire son austérité, et rien ne viendra le distraire de son champ d’investigation.
Une œuvre singulière et importante, qu’il faut découvrir ou redécouvrir dans cette belle version restaurée.
- 2018 (C) Potemkine Films - Agnès B Cinéma - MK2 Vidéo - Affiche : Christian Broutin, Saif 2018
Le Blu-ray :
Les suppléments :
Une admirable sélection de documents souvent passionnants permet de prolonger la réflexion sur les thématiques du film et les particularités du cinéma de Bresson :
Interview de Robert Bresson (1960) : extrait de l’émission Cinépanorama dans laquelle les journalistes France Roche et François Chalais interrogent Robert Bresson, de manière souvent frontale, sur ses particularités et sur ses supposées envies de rester à la marge. Le cinéaste, qui s’exprime avec hésitation, délivre des réponses passionnantes sur le refus de l’effet théâtral, sa position sur le cinéma en général et comment aborder un film.
Entretien avec Clément Cogitore : un long et éclairant entretien avec l’artiste contemporain et réalisateur Clément Cogitore, qui analyse le cinéma de Bresson, plus particulièrement sa manière d’organiser l’image dans Pickpocket.
Bresson et Dostoïevski : Gabriela Trujillo, historienne et chercheuse, s’attache ici à mettre en évidence les liens qui relient le cinéma de Bresson - et donc plus spécifiquement Pickpocket - à l’œuvre de Dostoïevski, en particulier son fameux Crime et Châtiment.
Les modèles de Pickpocket : un film documentaire un peu trop long, qui se regarde le nombril, sur les traces des acteurs non professionnels de Bresson.
L’ensemble est pesant, mais délivre quelques informations intéressantes sur la façon qu’avait le cinéaste de trouver ses interprètes et de les diriger.
L’image :
Quelques fourmillements dans certaines nuances de gris n’empêchent pas d’apprécier le travail de restauration et ce beau noir et blanc qui profite de la haute définition.
Le son :
La piste DTS HD Master Audio Dual Mono a bénéficié d’un grand soin, les dialogues sont clairs et le son hors-champ, très important pour Bresson, est parfaitement mixé et donne même l’impression d’envelopper la pièce. Du beau travail.
Galerie Photos
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