Le 20 octobre 2020
- Avertissement : Interdit aux moins de 12 ans
- Réalisateur : Yeon Sang-ho
- Acteurs : Kang Dong-won, Lee Re, Lee Jeong-hyeon
- Titre original : 반도 [Bando]
- Distributeur : ARP Sélection
- Genre : Action, Épouvante-horreur
- Nationalité : Sud-coréen
- Date de sortie : 21 octobre 2020
- Durée : 1h56mn
- Titre original : 반도 [Bando]
- Date télé : 28 avril 2023 22:55
- Chaîne : Paris Première
- Festival : Festival de Cannes 2020
En faisant prendre un virage bis au troisième opus de sa "trilogie" des morts-vivants, Yeon Sang-ho perd en singularité ce qu’il souhaitait gagner en spectateurs : si Peninsula constitue une synthèse efficace de motifs éprouvés dans la production de genre de ces dernières années, il manque cruellement de chair.
Résumé : Quatre ans après le {Dernier train pour Busan}, il ne reste que des zombies dans la péninsule. Un groupe de soldats forcés d’y retourner découvrent que des survivants non contaminés se sont regroupés dans une bande bien plus dangereuse que les zombies...
Critique : Auréolé du label « Cannes 2020 » et entrant, de façon saisissante, en résonance avec l’actualité (il y est question d’une pandémie qui contraint les survivants à vivre dans une permanente quarantaine), Peninsula, le nouveau film de Yeon Sang-ho, était attendu par tous les spectateurs qu’avait enthousiasmés le coup d’éclat du Dernier train pour Busan : alors que le réalisateur a tenté, avec Psychokinesis, une peu convaincante excursion dans l’univers des super-héros, le long-métrage nous est présenté par les distributeurs occidentaux comme une suite au diptyque qu’il avait consacré, en 2016, aux zombies et qui avait débuté, pour le public festivalier, avec le film d’animation Seoul Station.
Dans la mesure où le train du titre était un aller simple sans retour, il s’agit toutefois davantage de ce que l’on appelle une sidequel, un récit indépendant où il n’est fait mention ni d’aucun personnage, ni d’aucun événement des deux premiers films. Et même si le cinéaste est animé par la louable intention de ne pas se répéter (délaissant le cadre de la catastrophe ferroviaire pour s’essayer à l’exercice du cauchemar nocturne) et s’est donné, en augmentant le budget de sa production, les moyens de ses ambitions, ce nouvel opus ne soutient malheureusement pas la comparaison avec les deux précédents, tant et si bien que la filiation affichée s’avère, malgré un évident jeu de correspondances, moins narrative que commerciale.
- Copyright : ARP Sélection
D’ordinaire, le divertissement régressif que constitue le genre du zombie apocalypse gagne de l’épaisseur à la faveur de son propos politique. Or, contrairement au Dernier train, qui moquait de façon manifeste le mode de vie urbanisé des Sud-coréens tout en faisant référence au "périmètre de Busan" (le dernier bastion où s’étaient retranchés les troupes du Sud au moment de l’assaut initial mené par l’armée nord-coréenne), Peninsula, avec sa junte ubuesque qui fait régner la terreur sur un no man’s land infesté de zombies, ne nous permet pas de savoir si la cible de sa satire est la dictature qui sévissait en Corée du Sud jusqu’aux années 1980 ou bien la Corée du Nord de Kim Jong-un. Les morts-vivants, qui se déplaçaient auparavant tout aussi rapidement que des citadins affairés, se meuvent désormais (comme, notamment, dans le déjà très bis World War Z) en hordes, sans que l’on comprenne s’il s’agit d’une métaphore de la population nord-coréenne ou des manifestations qui agitent actuellement le monde.
Et de même que les personnages sont animés par des mobiles peu convaincants (à quoi peuvent servir des dollars, même par millions, dans un monde post-apocalyptique ?), son héros, un militaire en quête de rédemption, n’est accablé que par intermittence par le poids du remords et semble, le reste du temps, se laisser porter par les événements à travers des environnements cent fois vus qui n’offrent la possibilité que de péripéties rebattues.
- Copyright : ARP Sélection
Si le déroulement de l’intrigue est proche de celui de New York 1997 de John Carpenter et que la société réorganisée en fonction des morts-vivants, ainsi que l’utilisation de la lumière pour les attirer, ne sont pas sans rappeler Land of the Dead de George Romero, l’Incheon de Peninsula semble principalement pensé sur le modèle du monde dévasté des Mad Max, dont on retrouve les scènes d’arène, mais aussi et surtout les courses-poursuites.
Cependant, alors que chez George Miller, et dans le Dernier train, les effets spéciaux relevaient de l’artisanat, dans Peninsula, Yeon Sang-ho, sans doute aveuglé par son passé dans l’animation, fait le choix d’un tout-numérique qui confère à l’ensemble les allures d’une cinématique conçue pour une production vidéoludique (ce sont, d’ailleurs, des pré-adolescents qui s’y imposent comme les maîtres du jeu). Il faut certes reconnaître la réussite de la séquence d’introduction, qui rappelle, en transposant l’action dans un bateau, le huis-clos claustrophobique du premier film, mais elle ne met malheureusement que plus en évidence ce qui fait défaut au reste du long-métrage.
- Copyright : ARP Sélection
Tourné majoritairement en studio, Peninsula manque de ce que Walter Benjamin appelait une aura et donne le sentiment d’un film standardisé, volontairement internationalisé pour faciliter l’exportation. C’est, d’ailleurs, sans doute pour éviter l’interdiction aux moins de seize ans que Yeon Sang-ho évite précautionneusement le gore et, pour satisfaire le public familial, qu’après nous avoir fait lourdement comprendre que le virus déshumanise même ceux qu’il ne contamine pas, le film s’achève par un interminable happy end, tout droit sorti d’un mélodrame humanitaire, qui en caricaturerait presque, à grand renfort de violons et de bons sentiments, la fin du précédent long-métrage.
Si on ajoute à tous ces désagréments le fait que le film abandonne, sitôt son prologue achevé, le ressort dramatique du risque de la contagion, il n’est pas certain que Peninsula, reprogrammé contre toute attente à sa date initiale « par solidarité avec l’ensemble de la filière cinéma », selon les mots de son distributeur ARP Sélection, parvienne, malgré son immense succès en Corée du Sud, à redonner un nouveau souffle à un box-office français durement frappé par l’épidémie de coronavirus.
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