Kabuki kitsch
Le 15 janvier 2011
Ce conte fantastique, dernier film en date du vieux maître Suzuki, ose le mélange détonnant de la comédie musicale kitsch et du théâtre kabuki avec une audace réjouissante. Esprits chagrins s’abstenir !

- Réalisateur : Seijun Suzuki
- Acteurs : Zhang Ziyi, Hiroko Yakushimaru , Mikijiro Hira, Saori Yuki, Hibari Misora, Jō Odagiri
- Genre : Fantastique, Musical
- Nationalité : Japonais
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/
- Festival : Hommage à Takeo Kimura à la MCJP

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– Titre original : オペレッタ狸御殿 - Operetta tanuki goten
– Durée : 1h54mn
Ce conte fantastique, dernier film en date du vieux maître Suzuki, ose le mélange détonnant de la comédie musicale kitsch et du théâtre kabuki avec une audace réjouissante. Esprits chagrins s’abstenir !
L’argument : Lorsque Azuchi Momoyama, le seigneur du Château de la Grâce, apprend par la voix de son oracle, la Vierge vieille fille, que son fils Amechiyo va bientôt le surpasser en beauté il décide de bannir le jeune homme dans la Montagne de Kairasu où habitent les démons tanuki (des rongeurs ressemblant aux ragondins) capables de se métamorphoser à vue. A son arrivée dans la montagne Amechiyo rencontre la belle Tanukihime, qu’il comprend bien qu’elle parle une langue étrange (le mandarin), et qui est en fait la princesse du Palais Tanuki.
Notre avis : Présenté hors compétition au Festival de Cannes 2005, Operetta tanuki goten, tourné en 2004, est à ce jour le dernier film de Seijun Suzuki (Les fleurs et les vagues). Le moins que l’on puisse dire est que le vieux maître, qui avait alors 81 ans, conservait une belle énergie et n’avait pas perdu la main.
Le mélange des genres, que le cinéaste a toujours pratiqué avec une audace réjouissante, est ici à son comble : film de fantôme japonais avec lucioles et maquillages de théâtre kabuki, conte de fée high tech avec effets spéciaux digitaux, comédie musicale kitsch passant allègrement d’un style musical à l’autre (jusqu’au calypso ahurissant du château Taniguchi), burlesque et romance à tous les étages. Les trouées de réel, cerisier en fleur ou scènes filmées en bord de mer, ne détonent nullement dans cet univers où règnent en maîtres l’artifice et la stylisation. Au contraire elles confèrent à l’ensemble un ancrage réaliste qui lui donne une résonance supplémentaire.
Le film, qui passe sans prévenir d’une langue à l’autre (japonais, mandarin et portugais) et ne vise aucunement à l’unité ni à la fluidité, est une suite de tableaux tenant souvent du morceau de bravoure et naviguant à vue entre esthétisme raffiné et mauvais goût assumé. Ainsi le méchant seigneur Azuchi Momoyama (Mikijiro Hira) se déplace parfois sur une immense toile italienne montrant une femme dénudée (une Madeleine ?) portant la date 1582.
Cet ensemble hétéroclite et déjanté pourra dérouter les amateurs de récits linéaires et rebuter les esprits chagrins, mais il dégage une force vitale communicative. Tous les participants semblent s’être engagés à fond dans l’entreprise, à commencer par Takeo Kimura, autre vétéran toujours vert (86 ans à l’époque), qui signe des décors plus délirants les uns que les autres.
Le couple vedette, formé par la star chinoise Zhang Ziyi et le japonais Jō Odagiri (Odajō), a tout le charisme requis, et les seconds rôles sont interprétés avec verve et panache. Mention spéciale pour Yuki Saori en Vierge vieille fille centenaire, et surtout à Hiroko Yakushimaru, couronnée de plusieurs prix pour son interprétation du rôle le plus complexe, celui de Hagi, la suivante qui apparaît un moment comme une rivale du prince.
Bref : cet époustouflant Operetta tanuki goten, qui ressemble à un feu d’artifice, procure deux heures de plaisir assuré à qui aura gardé la capacité de s’émerveiller devant la magie des sons et des couleurs et le goût (pervers ?) des grands spectacles décalés.
La bande-annonce : ICI