Le 25 mars 2018
A l’image du rire sardonique de son héros, Suzuki s’amuse avec les contraintes d’un scénario stéréotypé et en tire un métrage plaisant.
- Réalisateur : Seijun Suzuki
- Acteurs : Yûko Kusunoki, Tamio Kawaji, Jô Shishido, Reiko Sassamori, Nobuo Kaneko
- Genre : Comédie, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Splendor Films
- Durée : 1h25mn
- Titre original : Kutabare Akutodomo - Tantei Jimusho 23
- Date de sortie : 28 mars 2018
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– Année de production : 1963
Résumé : Toutes les organisations de Yakuzas de Tokyo se sont données le mot : un criminel, au centre d’une guerre des gangs généralisée, est sur le point d’être relâché par la police et ce sera à qui lui fait la peau en premier. Heureusement pour lui, le détective Tajima arrive à l’extraire de cette situation périlleuse. Il lui demande en échange de l’introduire auprès de son boss. Commence alors pour le justicier une infiltration visant la destruction de l’organisation mafieuse.
Notre avis : Loin des audaces formelles du Vagabond de Tokyo et à plus forte raison de La marque du tueur, Détective Bureau 2-3 n’est pas pour autant le sage film d’infiltration que promet le synopsis : à la fois hommage, parodie et détournement des codes, il constitue un patchwork plaisant, impossible à prendre au sérieux. Qu’on ne cherche pas de suspens, de tragique ou de tourments intérieurs : Suzuki désosse son scénario pour n’en garder que des situations ou des dialogues que la mise en scène ruine consciencieusement. Que la fiancée du bandit soit traumatisée se traduit par une phrase-cliché emphatique : « je suis vierge mais mon cœur est celui d’une prostituée » ; de même devant la virilité du héros peut-elle s’écrier : « j’attendais un homme comme toi ». Mais c’est trop. Trop pour un film sérieux, mais la parodie se régale de pareilles déclarations, puisque jamais le cinéaste ne joue le jeu qu’on attend de lui.
Dès le début, dans une séquence qui devrait être tendue, un témoin sort de prison alors que des gangs l’attendent pour le tuer : mais déjà la disproportion (leur nombre est ridiculement élevé pour pareille besogne), leurs trognes et leurs grimaces caricaturales, leur surarmement (ils sont en face du commissariat …) même si certains ont des sabres dont on imagine mal l’utilité, l’ensemble donc verse dans l’excès. Et quand ils poursuivent le témoin conduit par le héros, les véhicules semblent aussi maladroits que leurs occupants ; la scène tient moins du polar que du cartoon. De la même manière les fusillades, à quelque moment que ce soit du film, sont déréalisées et ressemblent plutôt à des pétarades enfantines.
À ces éléments s’ajoute un héros, Tajima, sûr de lui, à la limite de l’arrogance, mufle et courageux, qui apparaît au volant d’une voiture de sport, peut pousser la chansonnette sur scène et met des lunettes de soleil la nuit. Mu par on ne sait quel sentiment de justice, il se jette dans l’aventure avec ardeur et s’infiltre de façon aussi invraisemblable que baroque (il est censé être un fils de prêtre, ce qui vaut une savoureuse séquence dans une église où tout est faux) dans un gang plutôt miteux. Pour achever le tableau, il est aidé par deux assistants constamment ridicules et inefficaces que leur accoutrement final achève de discréditer. Bref, Suzuki installe une distance constante avec un scénario qui pourrait être grave.
Et pourtant il soigne des signes qui rendent hommage au film américain : les éclairages soyeux et clairement artificiels ou le beau plan du miroir brisé rappellent le style classique des studios hollywoodiens. Mais ailleurs, dans un intérieur, la lumière saturée de rouge ou de jaune renvoie davantage au Suzuki délirant. De même opère-t-il comme dans La marque du tueur une abstraction du décor ( les coulisses du théâtre, le couloir ou le sous-sol du garage, les rues désertes) qui compose un enfermement des personnages : la grille du confessionnal d’ailleurs joue un rôle similaire. C’est cependant par le montage que le réalisateur surprend le plus : il multiplie les effets de rupture, parfois dans un dialogue censé être filmé en continu, créant par des irruptions de gros plans une impression de déséquilibre et parfois de brutalité.
Difficile de prendre au sérieux un film que les comédiens passent leur temps à surjouer. Mais apparemment tel n’était pas le but de Suzuki : détournant un scénario et ses codes pour en faire un objet ludique, gavant son métrage de clichés ou de détournement, il s’amuse, sans aller jusqu’aux délires bariolés qui ont fait sa gloire. Œuvre mineure donc, ce Détective bureau 2-3, dont l’autre titre, Crevez vermines rend davantage compte de son caractère de Série noire parodique, s’il montre aisément ses limites, vaut à son spectateur un bon moment, très animé et sans temps morts.
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