Maison close
Le 10 janvier 2011
Ce film estimable abordant un sujet tabou de l’histoire japonaise vaut surtout pour l’interprétation de l’immense Kinuyo Tanaka dans un de ses derniers rôles.
- Réalisateur : Kei Kumai
- Acteurs : Kinuyo Tanaka, Komaki Kurihara, Yôko Takahashi, Ken Tanaka
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 2h01mn
- Titre original : Sandakan hachiban shōkan: Bōkyō
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/
- Festival : Hommage à Takeo Kimura à la MCJP
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Ce film estimable abordant un sujet tabou de l’histoire japonaise vaut surtout pour l’interprétation de l’immense Kinuyo Tanaka dans un de ses derniers rôles.
L’argument : Une jeune journaliste cherche à écrire un article traitant des karayuki-san, les femmes japonaises contraintes de travailler comme prostituées dans les maisons closes asiatiques au début du XXe siècle. Elle découvre une vieille femme, Osaki, qui vit dans une cabane isolée avec de nombreux chats. Osaki accepte de raconter l’histoire de sa vie. Le film fait un saut en arrière jusqu’au début des années 1910. La jeune Osaki, dans le but de venir financièrement en aide à ses parents, travaille comme domestique dans ce qu’elle pense être un hôtel situé dans la partie alors Britannique de Bornéo. L’établissement est, en réalité, un bordel nommé Sandakan N° 8. Osaki travaille pendant deux ans comme domestique puis est contrainte de se prostituer. Plus tard Osaki peut rentrer au Japon, mais, en raison de son passé, elle est évitée et traitée comme une paria.
Notre avis : Ce film de Kei Kumai (1930-2007) est l’adaptation d’un best-seller à scandale de Yamazaki Tomoko : Bordel N°8 à Sandakan : un épisode de l’histoire des classes populaires, publié en 1972, et de sa suite Les tombes de Sandakan. Il s’agit de livres-enquêtes dévoilant une page occultée de l’histoire japonaise : le sort des karayuki-san, jeunes filles pauvres vendues comme prostituées à des maisons closes en Indonésie ou dans les îles du Pacifique au début du vingtième siècle.
Le film adopte une structure narrative assez complexe. Le fil conducteur est fourni par le voyage de la jeune journaliste, interprétée par Komaki Kurihara, à Bornéo, à la recherche des tombes des prostituées. Mais les nombreux retours en arrière prennent le pas sur cette partie contemporaine filmée sur le mode du reportage. Ils appartiennent à deux strates temporelles imbriquées l’une dans l’autre : d’abord le récit de la rencontre avec la vieille Osaki deux ans plus tôt et de la relation d’amitié qui s’établit entre les deux femmes, puis la visualisation des souvenirs qu’Osaki confie à cette inconnue qui partage sa vie misérable pendant trois semaines et qu’elle fait passer pour sa belle-fille.
Cette partie historique, si elle ne manque pas de virulence dans la dénonciation du sort réservé aux femmes et de la mentalité colonialiste nippone, n’évite pas les pièges du manichéisme, ni ceux de l’érotisme soft ou de la reconstitution un peu trop pittoresque, cédant même à l’humour facile lorsque l’arrivée d’un cuirassé japonais cause la mort par crise cardiaque du tenancier dépassé par la trop bonne marche des affaires. Les trois cents marins qui défilent en uniforme blanc avant de prendre d’assaut le bordel semblent carrément sortis d’une comédie musicale.
On ne peut qu’admirer en revanche le remarquable travail du décorateur Takeo Kimura, auquel la Maison du Japon à Paris rend hommage du 6 au 20 janvier 2011. Sa recréation en studio, précise et stylisée à la fois, de l’atmosphère de la maison close est extrêmement suggestive.
Mais c’est avec le décor de la cabane délabrée, sale et infestée de vermine, où habite la vieille Osaki avec sa cohorte de chats que Kimura se surpasse. Cette partie centrale est d’ailleurs la plus impressionnante par son attention au détail, la délicatesse avec laquelle est décrite la relation qui s’instaure entre les deux femmes et surtout grâce à l’interprétation très émouvante de l’immense Kinuyo Tanaka.
Couronnée par l’ours d’argent à Berlin et par l’équivalent japonais du César de la meilleure actrice (qu’elle avait déjà obtenu à deux reprises), sa prestation est impressionnante. Ce sera l’avant dernier rôle au cinéma de cette actrice aux 259 films dont la filmographie, sans aucun équivalent dans le cinéma mondial, fourmille de chefs d’oeuvres.
C’est sa présence qui fait le prix d’un film fort honorable mais dont les qualités et l’intérêt, somme toutes modestes, ne justifiaient peut-être pas la nomination pour l’Oscar du meilleur film étranger en 1976. Il est vrai que les trophées couronnent rarement les chefs-d’oeuvre. Ce fut pourtant le cas cette année-là puisque la récompense alla finalement à Derzou Uzala d’Akira Kurosawa.
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