À nos (ex-)amours
Le 18 octobre 2021
Le harcèlement moral opéré par un cinéaste sur sa maîtresse. Autobiographique, le récit fut le premier succès populaire de Maurice Pialat. Jean Yanne obtint un prix d’interprétation mérité au Festival de Cannes.
- Réalisateur : Maurice Pialat
- Acteurs : Jean Yanne, Marlène Jobert, Macha Méril, Maurice Risch, Christine Fabréga
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Les Films Corona, Capricci Films
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 14 mai 2024 23:40
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 7 juillet 2021
- Date de sortie : 3 mai 1972
- Festival : Festival de Cannes 1972
Résumé : Jean ne peut se résoudre à divorcer ni à quitter définitivement Catherine, sa maîtresse. Il lui reproche sa condition sociale et son inculture, l’humiliant à plusieurs reprises, notamment lors d’un séjour professionnel dans le sud de la France.
Critique : Après le drame de L’enfance nue (1968), aussi fort que Les 400 coups, Maurice Pialat élargit son audience avec cette œuvre sélectionnée au Festival de Cannes 1972, qui permit à Jean Yanne d’obtenir le prix d’interprétation masculine. L’acteur ne vint pas chercher sa récompense, sans doute à la suite des tensions houleuses avec le cinéaste pendant le tournage. Le personnage est en fait le double de Pialat qui a écrit et filmé son propre échec sentimental, après en avoir tiré un roman, Nous ne vieillirons pas ensemble. La goujaterie et la lâcheté de Jean, trompant son épouse avec une jeune femme qu’il humilie et rabaisse, avaient dû sembler trop noires à l’acteur, pourtant déjà habitué à des compositions sombres, à l’instar de celle jouée dans Le boucher. Pourtant, Pialat ne force jamais la dose et le film adopte cette dimension documentaire, notamment par des plans-séquences (scènes de la voiture ou avec les beau-parents) où la caméra capte l’action sans ellipse ni montage. Cette démarche, inaugurée dans les années 70, rattache le réalisateur à tout un courant du cinéma moderne qui culmina avec La maman et la putain de Jean Eustache, l’année suivante. On peut toutefois établir aussi une passerelle entre ce scénario et celui de César et Rosalie, dans lequel Romy Schneider hésitait entre Yves Montand et Sami Frey, le style de Claude Sautet relevant toutefois du classicisme.
Ce qui frappe, dans Nous ne vieillirons pas ensemble, c’est la capacité de Pialat à dépasser le stade de l’analyse clinique d’une rupture pour en faire un matériau tant romanesque que réaliste, sans la sociologie de classes de La dentellière de Claude Goretta (1977), qui voyait la coiffeuse Isabelle Huppert abandonnée par un étudiant bourgeois. On retiendra plusieurs séquences fulgurantes, comme les insultes proférées sur un tournage en Camargue, ainsi que le revirement de révolte de Catherine dans la dernière partie du récit. Il n’est pas superflu d’ajouter que les dialogues ne sont pas improvisés, comme on l’a longtemps cru, et que Pialat, à l’instar de Cassavetes, boucle ses scénarios avec une intense précision. Toujours est-il que ces échanges nerveux et violents annoncent les affrontements entre Gérard Depardieu et Huppert dans Loulou (1980) ou ceux de Sandrine Bonnaire et son frère dans À nos amours (1983) ; et la semi-folie de Jean n’est pas sans évoquer les absences du prêtre de Sous le soleil de Satan (1987) ou les illuminations de Van Gogh (1991), sommets de l’art du maître.
On peut aussi souligner le touchant et subtil remodelage de bons acteurs, que Pialat tire vers la sobriété et la magnificence. Dans des seconds rôles nuancés et émouvants, Christine Fabrega, Muse Dalbray ou Maurice Risch font jeu égal avec les deux vedettes. Et si Yanne est magistral, le film est aussi l’occasion de revoir deux splendides comédiennes des années 70, Marlène Jobert et Macha Méril. La première trouve son meilleur rôle et donne des accents de tragédienne, loin de ses compositions commerciales de l’époque ; la seconde apporte sa classe et sa voix discrètement musicale au personnage bafouée de l’épouse. Du grand art !
– Festival de Cannes 1972 : Prix d’interprétation masculine pour Jean Yanne
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Frédéric Mignard 4 février 2013
Nous ne vieillirons pas ensemble - Maurice Pialat - critique
Pialat excelle dans l’art de dépeindre des couples borderline. Jean Yanne en manipulateur phallocrate provoque les crises, jouant avec les sentiments de l’éclatante Marlène Jobert dont on sent toujours la fragilité et l’émotion poindre au détour d’un plan... Loin de tout sentimentalisme, le film synthétise toute les romances à cran que seront Loulou ou A nos amours. On ne s’en lasse pas.
nani 13 mars 2019
Nous ne vieillirons pas ensemble - Maurice Pialat - critique
et bien si on s’en lasse .... Et pourtant j’aime Pialat , " Van Gogh "étant l’un des plus beaux films que je connaisse. Mais " nous ne vieillirons pas ensemble , quel ennui , quelle m"diocrité ces 2 personnages , l’un odieux , l’autre, bécasse , maso revenant sans cesse vers son maître exécrable .
les décors laids et vides sont à l’image des 2 personnages . Je regrette d’avoir vu ce film