Le 14 juin 2021
- Réalisateur : Maurice Pialat
- Acteurs : Gérard Depardieu, Sandrine Bonnaire, Sophie Marceau, Richard Anconina, Pascale Rocard, Bernard Fuzellier
- Titre original : Police
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 4 septembre 1985
- Durée : 1h53mn
- Titre original : Police
- Date télé : 14 juin 2021 20:50
- Chaîne : France 5
Maurice Pialat transpose sa vision fataliste de l’amour dans un commissariat filmé avec réalisme. Depardieu est impressionnant de justesse.
Résumé : L’inspecteur Mangin fait la chasse aux petits trafiquants de drogue. Au cours d’une descente de police, il rencontre Noria, la petite amie d’un dealer, et tombe amoureux d’elle. Elle devient sa maîtresse et est désormais en danger de mort.
Critique : Comme souvent chez Pialat, l’intrigue se met en place dès les premiers instants. Face caméra, l’inspecteur Mangin, incarné par Gérard Depardieu, questionne un petit trafiquant de drogue, tout juste interpellé en possession d’un révolver. Les échanges entre les deux hommes sont parfois brutaux, parfois complices, mais toujours directs. L’enquête avance, se met en place, et nous voilà déjà embarqués, à la manière d’un documentaire, dans la troupe de Mangin, en pleine action.
C’est donc avec un polar que Pialat enchaine après A nos amours, auréolé de deux César dont celui du meilleur film. Exercice difficile, tant les attentes sont nombreuses – Pialat est désormais populaire, tout comme Gérard Depardieu et Sophie Marceau qui se partagent les rôles-titres –, tandis que les risques liés à ce genre sont réels car le public peut rapidement s’en lasser. Fidèle à son cinéma, le réalisateur livre avec Police une copie qui n’étonnera guère ses connaisseurs, puisque les thématiques récurrentes de son œuvre font encore surface, et ce, de manière évidente : les personnages rappellent ceux de ses films précédents – Noria, jeune fille incapable d’aimer, est clairement le reflet de Suzanne d’A nos amours – tandis que le questionnement lié au sentiment amoureux représente encore l’un des piliers de ce récit plus complexe qu’il n’y parait.
C’est finalement dans sa structure que Police étonne, puisque le film est clairement divisé en deux parties. La première, qui décrit de manière précise la vie d’un commissariat banal, flirte avec le documentaire : les situations sont très classiques – enquête, arrestations, interrogatoires – et rappellent souvent ce que l’on aperçoit dans certaines émissions de télévision (le montage minimaliste aidant grandement). Bien que le sensationnel ne tarde pas à s’introduire dans ce récit des plus ordinaires – la possibilité d’une corruption faisant rapidement irruption –, il se dégage des images une volonté clairement affichée de réalisme, de témoignage, qui viendra offrir à la seconde partie, nettement plus romancée, un moyen de faire éclore les sentiments les plus dissimulés. Cet intelligent travail de mise en perspective permet à l’ensemble de jouir d’une réelle authenticité, malgré la présence de quelques simplicités scénaristiques – que ce soit dans le déroulement de l’enquête ou sur les affinités des protagonistes. Finalement, c’est la capacité du scénario à produire de l’émotion – et non du suspense – qui donne au long-métrage une réelle touche d’amertume, magnifiquement symbolisée par un plan final d’une beauté exceptionnelle. Il va ainsi de soi que Police est un véritable polar sentimental animé par les doutes de ses personnages, victimes d’un amour rendu impossible par la fatalité.
Que ce soit dans la première ou seconde partie du film, la capture du réel constitue une fois de plus la principale obsession du cinéaste. Pendant le tournage, l’homme se plaisait à brouiller les pistes en abusant de directives contradictoires, comme le déclara Sophie Marceau à la sortie du film : « Pialat veut dire tellement de choses en même temps, il manie tellement de contradictions… A la fin, il ne nous indique rien. Il aime être tourmenté, malmené. Alors moi aussi, maintenant, je joue à la Pialat. Je refuse d’apprendre mes rôles par cœur. J’invente sur le tas. Je laisse place à l’imprévu ». A l’écran, cela se traduit par un rythme monotone, laissant aux situations et aux personnages le temps de se dévoiler avec sincérité et douceur. Beaucoup regretteront néanmoins cette volonté trop appuyée de décrire, encore et toujours, les moindres faits et gestes des protagonistes, volonté qui accouche inévitablement de nombreuses scènes à la banalité parfois regrettable. Car si, comme dans tous films de Pialat, les interactions sont réelles, dans le sens où elles possèdent toujours cette esthétique brute propre au réalisateur – cadre maitrisé, expressions explosives et libres de toute instruction –, certaines séquences sombrent dans une forme de mutisme inhabituel. C’est surement le prix à payer pour profiter d’une telle profondeur psychologique, offerte par un récit aux enjeux nombreux (sociaux, politiques, amoureux), aux personnages forts et aux émotions franches. Et ce n’est pas la prestation de Gérard Depardieu, ici au sommet de son art, qui viendra remettre en doute cette affirmation : Police jouit d’une puissance réelle, celle des êtres confrontés à la mort d’un amour fantasmé et sans frontières.
LE TEST BLU-RAY
Suppléments de qualité et haute définition sublime rendent cette édition indispensable.
Les suppléments :
A l’image de toutes les rééditions de Pialat commercialisées cette année à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort, les suppléments comportent tout d’abord des entretiens (au nombre de trois), toujours aussi riches en anecdotes. Pascale Rocard, qui interprète une jeune commissaire stagiaire, révèle par exemple que Pialat fut très embarrassé par Sophie Marceau, que la Gaumont lui a imposée (il aurait même traité l’actrice de « gros boudin » lors d’une conversation téléphonique). Pascale Rocard se souvient aussi d’un plateau de tournage à l’ambiance exécrable, où de nombreux techniciens, pourtant très talentueux, furent « éliminés » tout au long du projet. Encore plus étonnant, c’est l’organisation du tournage qui la marquera le plus : durant des journées entières, l’actrice dut improviser son texte sans avoir de réelles indications sur le scénario, ni sur les liens entre les scènes tournées. Pire : aucun contrat écrit ne lui a été proposé à son arrivée.
Sont aussi présents sur le DVD bonus un documentaire de Virginie Apiou, Zoom sur Police (2002, 35’), un mini making-of d’une douzaine de minutes réalisé par Cinéma, Cinémas (célèbre émission de télévision qui fut diffusée sur Antenne 2), des scènes coupées commentées par le monteur du film Yann Dedet, ainsi qu’une très courte vidéo de quatre minutes présentant les essais de l’avocat ayant inspiré le personnage de Lambert.
Si les suppléments sont conséquents, il s’avère particulièrement dommageable que la plupart d’entre eux ne soient pas inédits : Zoom sur Police, le reportage de Cinéma, Cinémas ainsi que les scènes coupées étaient déjà présents dans l’édition DVD sortie en 2004.
L’image :
Cette remasterisation est un sans-faute. La haute définition apporte énormément au film tant l’image jouit d’une beauté saisissante. Les contrastes sont sublimes et rendent hommage à l’excellent travail de Luciano Tovoli, talentueux directeur de la photographie qui a notamment tourné avec Michelangelo Antonioni et Dario Argento. Les nombreuses séquences nocturnes, où les lumières et reflets abondent, sont visuellement épatantes. Magnifique.
Le son :
Le film faisant la part belle aux silences et aux dialogues, rien de particulier n’est à signaler concernant la bande sonore. L’ensemble est très clair et ne souffre d’aucun défaut majeur.
Galerie Photos
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