Tout pour l’art
Le 24 octobre 2021
Pialat s’approprie la figure de l’artiste sans la mythifier, et en tire un portrait sec, poignant et intimiste. Jacques Dutronc est superbe.
- Réalisateur : Maurice Pialat
- Acteurs : Elsa Zylberstein , Jacques Dutronc, Bernard Le Coq, Alexandra London, Gérard Séty
- Genre : Drame, Biopic, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Capricci Films
- Durée : 2h38mn
- Date télé : 4 novembre 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 27 octobre 2021
- Date de sortie : 30 octobre 1991
- Festival : Festival de Cannes 1991
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Résumé : Les derniers jours du peintre Van Gogh venu se faire soigner chez le docteur Gachet à Auvers-sur-Oise. Terribles derniers jours partagés entre une création intensive, des amours malheureuses et surtout le désespoir.
Critique : Maurice Pialat réalisateur fut d’abord Maurice Pialat peintre : ainsi, on ne s’étonnera guère que, en 1991, le cinéaste s’attache à Van Gogh, génie expressionniste et modèle avant-gardiste. Sans fioritures, Pialat nous le montre à Auvers, en pleine convalescence, durant ces quelques semaines qui seront les dernières de sa vie. En conflit avec son frère Théo (le toujours impeccable Bernard Le Coq), ignoré par ses contemporains, il se partage entre une tendre prostituée (Elsa Zylberstein) et la jeune fille de son médecin, Marguerite (la débutante Alexandra London), avec laquelle il amorce une dernière passion scandaleuse... L’identification du réalisateur avec le peintre, marginalisé, incompris, est bien entendu immédiate. L’humaniste Pialat a toujours mis beaucoup de lui-même dans ses films ; ici, il met directement la main à la patte, puisque ce sont les siennes, en gros plan, qui tiennent le pinceau de l’artiste, reproduisant par touches certains de ses tableaux les plus célèbres (L’idiot, Champ de blé sous un ciel orageux).
Van Gogh est évidemment à des lieues d’une représentation idéalisée, hollywoodienne, de l’artiste (s’opposant à Minnelli et à sa Vie passionnée de Vincent Van Gogh). La reconstitution de l’époque est minutieuse, les longues 2h40 de métrage évoquant celles d’une fresque Mais Pialat reste fidèle à ses exigences formelles et fait des derniers jours de l’artiste une chronique brute, naturaliste, sans afféteries. Le cinéaste colle à l’homme Van Gogh, son dénuement, son désespoir et ses ultimes coups de sang. L’occasion pour Pialat de retrouver les thèmes fétiches qui firent sa marque : rupture sociale, rupture familiale, de la part d’un individu artiste dont la liberté et la puissance de vision sont bridées par les codes d’une époque asphyxiante. Cependant, sans totalement sacrifier l’esthétique sur cet autel du réalisme sec, Van Gogh possède de véritables respirations, travaille sa propre forme : certains de ses plans, au terme d’un très beau travail sur les textures et la lumière, deviennent ainsi de véritables tableaux. Avec des effets de citation évidents (impressionnisme, expressionnisme, portraits), Pialat fait œuvre de peintre, magnifiant les décors et les situations (un déjeuner sur l’herbe, une nuit dans un cabaret, un regard sur des champs de blé) avec une douceur manifeste. En milieu de métrage, un très long intermède voit Van Gogh et sa jeune maîtresse passer la nuit à Paris, dans un café-bouge de Toulouse-Lautrec : musique, couleurs, sensualité se mêlent en une sarabande, étirée et essoufflée, comme une ultime force de vie avant l’agonie du peintre.
Entouré d’une distribution assez irréprochable, où Elsa Zylberstein brille d’un éclat particulier et Gérard Séty d’une vérité pathétique, Jacques Dutronc (César du meilleur acteur pour ce film) apporte à son rôle un jeu tout en dépouillement, amer, poignant. Le génie inconnu meurt dans l’indifférence du monde, et la jeune Marguerite, devenue femme à son contact, en porte le deuil dans les dernières secondes du film. Nous aussi.
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