Les histoires d’amour selon Pialat
Le 7 juillet 2021
Subtil dans sa manière de décrire le sentiment amoureux, Loulou dispose d’une véritable puissance narrative. Isabelle Huppert et Gérard Depardieu y sont pour beaucoup.
- Réalisateur : Maurice Pialat
- Acteurs : Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Guy Marchand, Xavier Saint-Macary, Jacqueline Dufranne, Humbert Balsan
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution, Capricci Films
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Loulou
- Date de sortie : 3 septembre 1980
- Festival : Festival de Cannes 1980
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Résumé : Nelly rencontre un soir Loulou, un jeune paumé. Violemment mise à la porte par son mari, elle part vivre avec lui. Bientôt elle attend un enfant, mais Loulou ne change pas sa vie de marginal, partagé entre les copains et les petits casses nocturnes. Blessée par cette attitude, Nelly décide de ne pas garder l’enfant.
Critique : En faisant de ses personnages les héros ordinaires du quotidien, Loulou s’inscrit dans la pure tradition du drame pialatien. Son histoire est celle de la vie, des surprises qu’elle réserve, de ces moments de doute qui font naitre et mourir les sentiments. Dans une boîte de nuit, la jeune mariée Nelly rencontre le brusque Loulou, veste en cuir de loubard sur les épaules, chevelure blonde grasse et épaisse. Tout semble les séparer, de leur allure à leur milieu social, mais la passion aura raison des apparences et, très vite, les deux corps se rencontrent et ne se quittent plus : la maladie de l’amour frappe, tandis que celle du sexe soigne l’esprit –« c’est ma queue qu’elle aime, comme toutes les autres », déclare l’intéressé pour se rassurer de cette inédite situation amoureuse. Nelly, elle, continue malgré tout de travailler avec André, son désormais ex-mari, toujours amoureux de sa dulcinée qu’il croit encore acquise à sa cause – non sans pathétisme, l’homme est coutumier de crises de jalousie inopinées. C’est donc dans un contexte libertaire, où le sexe apparaît plus que jamais comme le moment ultime de répit, que Maurice Pialat brosse le portrait mouvementé d’un homme qui rencontre son destin, celui d’un amour inattendu, qui ira jusqu’à le conduire à la frontière de son corps – Nelly tombe enceinte, sans le vouloir, et décide d’avorter. L’exposé du fameux je t’aime moi non plus donne alors au film la puissance narrative d’une immense fresque romantique et contemporaine, malgré sa longueur assez réduite – 1h50 d’échanges amoureux, de baisers et de souffrance. Comme toujours chez Pialat, les rencontres entre les différentes parties sont explosives et accouchent de moments de vie intenses – des cris, des coups, des pleurs, des rires. Isabelle Huppert déclarera que Maurice Pialat « ne transformait pas le réel, il ne le sublimait pas : il le disait ». Se succèdent ainsi scènes de bar, de marché de nuit, de repas de famille bruyant, où la vie grouille, les verres clinquent, les paroles se croisent et se percutent dans le brouhaha du rassemblement humain. Le cinéaste figure donc le réel en donnant un visage au sentiment amoureux, fait de moments heureux et malheureux. Mieux, il dévore ses personnages en les isolant au centre de son image, et les rend ainsi vulnérables aux regards, comme s’ils étaient les sujets d’un tableau figé dans l’éternité. Preuve en est que Pialat sait filmer les corps et leurs frictions avec grandeur et pudeur : la composition est chaude, transpirante, salée ; les figures sont ivres, les invectives fusent, et le drame rode là où personne ne l’attend – séquence du repas de famille. Quant à la dimension sociale – Nelly est issue d’un milieu aisé contrairement à Loulou –, elle donne à la romance les moyens de s’exprimer pleinement. « Je pourrais me passer de lire mais surement pas de voir des gens » répond Nelly à André qui juge Loulou pas assez cultivé pour elle. Au figé, la jeune femme préfère l’agitation de la vie. Tant d’éléments qui font de Loulou un film où le mouvement est roi.
LE TEST BLU-RAY
Très classique, l’édition Blu-ray souffre de suppléments décevants et d’une bande-son médiocre.
Les suppléments :
Des trois longs métrages de Pialat récemment réédités, Loulou est certainement celui qui bénéficie des suppléments les plus maigres. Pas de making-of, ni de galerie photos, ni de scènes coupées, et encore moins de documentaire. Nous n’avons droit qu’à une flopée d’entretiens individuels avec différents membres de l’équipe du film. Parmi les six entretiens proposés, seulement deux sont inédits et en haute définition (ceux avec Pierre-William Glenn, directeur de la photographie, et Patrick Grandperret), tandis que les autres sont anciens et disponibles gratuitement sur Internet. Bien que les propos des protagonistes renseignent de manière précise sur le film, l’ensemble manque réellement de fraîcheur. Pas très excitant.
L’image :
Etrangement, la qualité de l’image est assez inégale, un effet de rémanence étant parfois fortement présent durant les séquences sombres (notamment les scènes de nuit). Néanmoins, l’image bénéficie dans son ensemble d’une luminosité et d’une profondeur appréciables qui ne manquent pas de respecter les tons réalistes de l’œuvre d’origine – les couleurs sont sublimes. Une impression mitigée donc, cette remasterisation étant légèrement en retrait par rapport à celles de Van Gogh et A nos amours, eux aussi édités par Gaumont.
Le son :
Indiscutablement le point faible de l’édition. La qualité des voix est très médiocre tant ces dernières semblent très souvent étouffées – problème déjà repéré, dans une moindre mesure, sur le Blu-ray de Van Gogh. Fort heureusement, le souci n’empêche pas de visionner le film dans de bonnes conditions, mais reste dommageable.
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