Notre avis : Le narrateur fait le récit de sa vie, depuis son âge le plus tendre jusqu’à ses soixante ans. Il évoque sa famille, le quotidien en Finlande, pays cher à son cœur, mais surtout il raconte l’amour, la famille Rabell qui l’intrigue, petit, le fascine, puis finira par l’écœurer peu à peu, au fil des ans. S’il commence par être simple spectateur de leur vie, il finit par devenir ami avec leur fils et amoureux de Stella, sa sœur. Ce roman, c’est l’amour qui se cristallise comme le dit Stendhal, se décristallise à l’image de la théorie de Gide. Ce sont les liens qui se nouent, se resserrent puis se distendent, avant de s’entrelacer à nouveau, plus fortement que jamais. Après les jeux enfantins, ce sont les bêtises adolescentes que le héros raconte, puis l’arrivée de l’âge adulte qui ne chasse ni l’incertitude ni les enfantillages. Il se confie à nous, ne nous cache rien de ses failles, de ses faiblesses et de ses sentiments. Il nous livre ses souvenirs, nous fait confiance pour en faire bon usage, pour ne pas le juger trop durement.
Les mois passent, forment des années, le narrateur est toujours là, à proximité des Rabell, Stella étant plus ou moins présente dans ses pensées et dans son existence. Les parents vieillissent, déménagent, reviennent, tout comme les personnages principaux qui forment une sorte de ballet. L’amitié, l’amour et l’humanité sont décortiquées tout en finesse, au rythme des jours qui passent et qui jouent avec le destin des personnages.

Kjell Westö, déjà lauréat de deux prix littéraires scandinaves, parvient ici à retracer le chemin amoureux, les détours, les croisements et les errances qu’il implique. Son héros n’est pas très attachant, peut-être un peu passif, mais ce qu’il nous narre parvient rapidement à nous intéresser, d’autant plus que l’on se sent proche de lui, il nous transforme en son confident. Les premières pages sont un peu laborieuses, l’histoire peine à démarrer puis, une fois lancé, le roman décolle et nous avec lui. Cerise sur le gâteau, l’issue est totalement inattendue, et on échappe donc au too-much final si fréquent. L’auteur joue avec les genres, il commence par ce qui s’apparente à un roman d’apprentissage, passe à la romance, puis au roman sociétal et finit par frayer avec le thriller qu’il avait déjà effleuré au tout début.

Il s’agit donc d’une réussite, sous la forme d’une fresque amoureuse, palpitante malgré le rythme tranquille qu’a choisi l’auteur. Ce dernier prend le temps de poser ses personnages, de les faire évoluer, joue un peu avec eux et avec le lecteur également, sans jamais trop accélérer. Après tout, c’est leur vie qu’il raconte, alors pourquoi sauter des étapes ?