Le 15 avril 2018
- Réalisateur : Vittorio Taviani
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Réalisateur palmé, indissociable de son frère Paolo, Vittorio Taviani nous a quittés à l’âge de 88 ans. Son œuvre est l’une des plus belles du cinéma italien et appartient à l’histoire du 7e Art, dans sa forme la plus lyrique, la plus poétique, la plus politique aussi.
Retour sur carrière : Jadis à la mode dans les années 70 et 80, les Taviani sont de ces noms mythiques d’un cinéma italien que certains aimeraient éconduire pour laisser la place aux plus jeunes.
La mort de Vittorio Taviani, ce dimanche 15 avril, est bouleversante en raison de ce qu’il a reconstitué à l’écran, avec son binôme Paolo : un cinéma hors des temps modernes.
Les deux frères étaient férus de littérature : ils ont adapté Goethe - Les affinités électives, Tolstoï - le téléfilm Résurrection -, Shakespeare - César doit mourir, le Décaméron de Boccace. Mais aussi, passionnés d’atavisme, fervents combattants contre le déterminisme et le fascisme, ils donnaient à leurs films un sens de la dramaturgie où le poids du terroir fléchissait sur celui des drames.
Dénonçant les massacres de l’Histoire (La Nuit de San Lorenzo, 1982), les tueries non assumées (le génocide arménien du Mas des alouettes, en 2007), ces conteurs vénérables aimaient aussi à travers leur cinéma revenir aux sketchs si chers au cinéma italien des années 60-70, pour des contes moins légers que ceux d’un Rohmer, souvent bouleversants. De Kaos, en 1984, au récent mais néanmoins somptueux Contes Italiens, en 2015), ils étaient les orateurs d’une terre de culture, de splendeur, d’un passé historique sombre, où les classes sociales, décadentes, sans dents ou maudites (de Padre Padrone, en 1977, à Contes Italiens, en 2015) essayaient de retrouver espoir dans l’engeance nouvelle, pourtant souvent destinées à perpétuer les mêmes maux que leurs ancêtres. La malédiction guettait chaque film des cinéastes.
Pourtant l’espoir de l’émigration dans Padro Padrone (1977), un chef-d’œuvre, ou l’imposant Good Morning Babylon (1987), revient régulièrement dans un cinéma obsédé par des thèmes universels puissants, où la guerre, le droit du sol, la gangrène de l’argent, l’attachement aux racines font de leurs oeuvres des toiles naturalistes, lyriques, fantaisistes, voire fantastiques, en tout cas l’une des plus belles du 7e art italien.
Les Taviani perdent de leur superbe dans les années 90. Ils sont quelque peu oubliés par le grand public depuis les années 90 et l’échec injustifié de Fiorile (1994). Le film est pourtant sélectionné à Cannes et s’avère être probablement le plus tavianesque de tous les opus. La suite se caractérise par des œuvres moins fréquentes et abouties, telles que Les Affinités électives, avec Isabelle Huppert, qui ternissent leur grandeur au sein d’une décennie peu portée sur le cinéma italien.
Depuis le début des années 60, ils ont réalisé pas moins d’une vingtaine de films de cinéma, et remportèrent la Palme d’or avec Padre Padrone et le Grand Prix du jury, avec le violent La Nuit de San Lorenzo, une autre splendeur.
Avec Wenders, Polanski, Schrader, Coppola, Lattuada, Jerzy Skolimowski ou encore Beineix, ils furent parmi les cinéastes chanceux à avoir pu tourner avec Nastassja Kinski, lors de sa période de gloire. C’était dans Le Soleil même la nuit, un autre magnifique moment de cinéma, où l’on retrouvait la très jeune Charlotte Gainsbourg et Julian Sands.
Les frères réalisateurs d’Allonsanfàn, avec Mastroianni (1973), se retrouvent aujourd’hui séparés par la mort. Vittorio était malade depuis longtemps : il n’a pu finir Una questione privata, que Paolo a porté jusqu’au bout. Pyramide Films le proposera dans nos salles le 6 juin prochain. Il y sera de nouveau question de jeunesse, résistance, fascisme, sur fond de romance.
Les Taviani, fidèles à Cannes pendant près de vingt ans, étaient les maîtres d’un cinéma pictural, sensoriel, où les splendeurs des paysages et de la pierre s’accordaient à de magnifiques travellings de cinéma, dont ils aimaient le langage.
Aujourd’hui, il est difficile de ne pas revenir aux images marquantes de leurs œuvre, magnifiée par la musique du compositeur Nicolai Piovani, qui leur sera fidèle jusqu’en 2001. Sa musique est indissociable de leur art que l’on peut qualifier aisément de sublime.
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