Le 3 juin 2019
- Acteur : Michel Serres
- Auteur : Michel Serres
- Voir le dossier : Nécrologie
Le philosophe et historien des sciences français est mort le samedi 1er juin, à l’âge de 88 ans.
News : Michel Serres était le prototype de l’honnête homme, tel que le XVIIème siècle l’entendait, c’est-à-dire un humaniste doté d’une culture générale étendue et d’une attitude conforme à ce que l’aristocratie athénienne se faisait du kalos kagathos, dont les qualités humaines ont la vertu de surprendre, mais aussi d’impressionner. Débordant toujours ses disciplines de prédilection, le philosophe aurait d’abord pu devenir militaire : mais s’il fut reçu à l’Ecole navale en 1949, il en démissionna assez vite pour retourner au lycée, choisir la khâgne, avant d’être admis à l’Ecole Normale Supérieure, en 1952, et d’obtenir l’agrégation de philosophie, trois ans plus tard. Le début de sa carrière universitaire lui permet de rencontrer Michel Foucault et Jules Vuillemin qui, tous deux, travaillent à l’Université de Clermont-Ferrand, où Michel Serres donne aussi des cours. Puis il enseignera à la fac de Vincennes, à la Sorbonne où il dispense des cours d’épistémologie et d’histoire des sciences et enfin la Standford University, avant que le philosophe ne s’installe au quai de Conti, pour devenir un Immortel, en 1990.
La réflexion de Michel Serres témoigne d’une curiosité insatiable qui s’intéresse à toutes les formes de savoirs, en essayant de dépasser le cloisonnement des disciplines de la connaissance, pour établir un dialogue entre la philosophie des sciences, l’écologie, l’éducation, la sociologie, l’histoire, même si la question de l’environnement fut au cœur de ses préoccupations, notamment dans Le contrat naturel, en 1990. Penseur en avance sur son temps, il anticipa la fin du secteur secondaire au profit de l’ère de la communication, dont il n’était pas, contrairement à une majorité de ses confrères, un contempteur féroce. Le livre Petite poucette, publié en 2012, témoigne de sa capacité à suspendre son jugement, pour tenter de cartographier les pratiques d’une nouvelle génération hyper connectée. Son goût de la prose que prolonge une langue classique l’encouragea volontiers à s’aventurer, en voyageur qu’il était aussi -au sens physique du terme-, sur des territoires littéraires. Michel Serres consacra ainsi de nombreux commentaires aux œuvres de Jules Verne, William Faulkner, Jules Michelet, Molière, Emile Zola et tant d’autres, ce qui, pour les tenants d’une philosophie démonstrative, uniquement dévolus à la réflexion dans le cadre de leur discipline, passait presque pour une forme de dilettantisme suspect, d’autant qu’ayant grandi au sein d’une génération normalienne biberonnée par Althusser, le penseur aurait pu être tenté par un engagement sartrien. Or, comme le constata Michel Serres dans un entretien donné au quotidien L’Humanité, en novembre 2012, la compréhension du contemporain le mobilisait davantage. C’est à cette entreprise que le philosophe, mort ce week-end, a consacré toute son énergie.
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