Le 2 décembre 2018
Entre sommets et crevasses, le nouveau Polnareff ressemble à son auteur. Forcément unique.
- Date de sortie : 30 novembre 2018
Sortie : le 30 novembre 2018
Notre avis : Difficile de croire qu’après une telle attente, le premier réflexe d’un auditeur ou d’une auditrice ne soit pas de vérifier l’actualité du nouveau Polnareff, c’est-à-dire sa conformité avec l’air musical du temps ou, au contraire, son total décalage avec une forme de modernité musicale, qu’on serait bien en peine de définir, tant il est vrai que, depuis plus de vingt ans, la révolution numérique a disséminé artistes, chansons, albums dans une véritable nébuleuse. On aborde Enfin ! avec la première déception que son titre illustre notre propre sentiment, quand on voudrait la surprise moins signifiante, moins nantie de cette auto-satisfaction à se faire l’écho d’une demande sans doute générationnelle qui nous expédie direct dans la case "vieux cons" (combien de mômes de quinze ans connaissent le célèbre artiste et surtout se languissent d’écouter ses nouvelles chansons ?) .
Donc le visuel de la pochette se réduit à un cadenas déverrouillé. Comme si nous avions besoin que notre impatience soit lestée d’une telle symbolique. Comme si surtout nous désirions qu’on nous réduise au statut de fans. Au moins, la couverture de Kâma-Sûtra osait le surréalisme, sans se soucier des récepteurs, sans théâtraliser l’Arlésienne. Mais il est vrai que vingt-huit ans se sont écoulés. Avec un brin de masochisme vintage, un récent article du Figaro le rappelait : lorsque la dernière production discographique de Polnareff est sortie, Mitterrand régnait sur l’Elysée, Rocard se désolait d’être son Premier ministre. Autrement dit, le Bébête Show, autrement dit le monde d’avant Internet.
On n’abordera pas cet album sans penser à ces quasi trois décennies, avec l’idée qu’on ne peut pas être et avoir été, qu’à moins de s’appeler Christophe, aucun artiste de la décennie sixties ne peut éviter le formol de sa propre redite, vieillesse et pop-rock ne se conjuguant pas au même temps que jeunesse et révolte. Au seuil du premier morceau, qu’espère-t-on finalement ? De ne pas être aussi déçu que Sophie Delassein dans l’Obs, dont les déplorations pointent l’indigence des paroles autant que la vacuité des mélodies, alors qu’on n’a jamais compris que même au faîte de sa carrière, Polnareff se risquait à chasser sur les terres anglo-saxonnes de Dylan ou dans le périmètre hexagonal annexé par la triade Brel-Ferré-Brassens. Sans doute se surprend-on à anticiper la déception de ne pas vivre le voyage spatio-temporel ardemment désiré, un voyage vers le futur où un nouveau morceau comme Grandis pas ne serait que la réminiscence des joyaux minimalistes bien connus de nos heures adolescentes, lorsque la voix liturgique de Polnareff résonnait ; et cette voix, alors, aurait pu tout aussi bien chanter L’homme qui pleurait des larmes de verre qu’entonner Le curé de Camaret.
Le drôle étant expert en paroles cryptées, on ne cherchera pas la clé, ni même le cadenas de cette si adorable et si périssable sucrerie. Certes, on se dit que les premiers mots de cette dédicace à Louka ne dépareraient pas une chanson de Lalanne, mais la musique les absorbe volontiers. Parfois, il ne suffit pas de constater que cette voix n’a pas vieilli et s’en étonner. Il suffit de souhaiter que de temps en temps elle disparaisse, comme lui pendant toutes ces années, pour qu’existe, de manière plus anonyme et pas moins talentueuse, la musique dans sa foutraque variété. On n’ignore pas que Polnareff a signé des BO de films, du culte au navet, et on le remercie d’être reconnaissable au premier morceau, intitulé Phantom, même si là encore, rappeler qu’après la retraite au Royal Monceau, le record d’invisibilité a été battu pendant de nombreuses autres années, c’est rendre la blague indigeste. Mais enfin, les onze minutes silencieuses ont l’efficacité du boomerang : la première partie de cet instrumental est peut-être la réponse à un mail de Nicolas Godin, la moitié du groupe Air, disant jadis son admiration pour l’homme aux lunettes. Il faudrait convertir les grandes eaux symphoniques en nappes synthétiques et on obtiendrait un très convenable préambule à Moon Safari. Juste retour à l’envoyeur, sans recommandé. Les autres destinataires du deuxième mouvement s’appellent Daft Punk, à moins que dans un passé électronique plus lointain, Tangerine Dream se souvienne qu’il sonna, à quelques profondeurs supplémentaires, d’une pareille façon. Des oreilles moins conciliantes crieront à l’easy-listening. On ne les croira pas réconciliées avec l’ultime piste nommée Agua Caliente qu’on aurait pourtant tort de congédier au rayon des produits congelés, son hybridation entre sons électro et riffs furieux à la Satriani, la rendant bien plus recommandable que l’acharnement thérapeutique du docteur Polnareff sur des chansons comme Ophélie flagrant des lits et L’homme en rouge.
En définitive, il faudra se souvenir de quelques morceaux à la hauteur des glorieuses seventies ou de l’idée qu’on s’en fait : dans l’échappée, Louka’s song, disco ensoleillé par les gazouillis du rejeton, façon Isn’t she lovely, lorgne sur la BO "Lipstick", et, sur ses talons, la ballade FM Dans ta playlist, que Pascal Obispo écoutera sans doute avec attention, pour constater qu’à défaut d’une collaboration, son plus grand mentor lui a proposé une dédicace sardonique. Les autres morceaux n’ont pas la grâce d’être innovants, ni la goujaterie d’être lassants, pour qu’à la fin des retrouvailles, on soit définitivement vacciné contre l’idée d’un autre retour. Au moment du centenaire, qui sait.
1. Phantom (Instrumental) 10’53
2. Sumi 4’51
3. Grandis pas 5’09
4. Louka’s song (Instrumental) 5’21
5. Ophélie flagrant des lits 4’46
6. Longtime 3’51
7. Positions 7’01
8. Terre Happy 4’26
9. L’Homme en rouge 5’12
10. Dans ta playlist (c’est ta chanson) 5’22
11. Agua caliente (Instrumental) 9’19
Label : Universal Music Division Barclay Copyright : ℗© 2018 Enough Records, under exclusive license to Universal Music UK limited
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cordi 13 décembre 2018
Michel Polnareff sort Enfin ! - critique de l’album événement
Bonsoir
j’ai acheté ce midi le dernier Polnareff ,
pour moi 17€ à la poubelle , il est juste naz il est où le Polnareff que j’ai aimé , surement pas dans ce CD
desole avoir attendus aussi longtemps pour ça !!!!!!