Amour et trahison
Le 19 avril 2012
46 minutes de drame proprement stupéfiantes, animées par un prodigieux sens de la mise en scène qui confère aux corps, aux objets, à l’espace une présence explosive. Un film qui fait paraître vieux presque tout ce qui a été réalisé depuis 1912.
- Réalisateur : Emil Albes
- Acteurs : Emil Albes, Ilse Oeser, Ludwig Trautmann, Hugo Flink
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Durée : 46mn
- Titre original : Madeleine - Der Ãœberfall auf Schloss Boncourt
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– Visa de censure (Allemagne) : 8 mai 1912
– Sortie Allemagne : 22 juin 1912
46 minutes de drame proprement stupéfiantes, animées par un prodigieux sens de la mise en scène qui confère aux corps, aux objets, à l’espace une présence explosive. Un film qui fait paraître vieux presque tout ce qui a été réalisé depuis 1912.
L’argument : A la veille de la guerre franco-allemande de 1870 la jeune Madeleine se fiance avec un ingénieur allemand. Lorsque la guerre est déclarée celui-ci reçoit un ordre de mobilisation. Elle essaie en vain de le retenir.
Quelques temps après elle apprend que son ex-fiancé a été arrêté comme espion. Elle se rend dans la prison où le jeune homme attend l’exécution de sa sentence et s’introduit dans sa cellule où elle le trouve endormi. La lecture d’une lettre d’adieu qu’il a adressé à sa mère fait comprendre à Madeleine qu’il est innocent. Elle le réveille et l’aide à s’échapper.
Il rejoint son régiment qui se lance à l’assaut du château du père de Madeleine où se sont retranchées les troupes françaises.
Notre avis : En 1911 Emil Albes (1861-1923), acteur et metteur en scène de théâtre confirmé, débutait au cinéma à la fois devant et derrière la caméra. En tant qu’acteur il donnait la réplique à Asta Nielsen dans plusieurs films, dont Die Verräterin d’Urban Gad, où il jouait le rôle patibulaire du meneur d’une bande de franc-tireurs pendant la guerre franco-prussienne de 1870.
L’intrigue, la configuration de personnages, les décors mêmes de Madeleine (ou Der Überfall auf Schloss Boncourt), qu’il dirigeait et interprétait quelques mois plus tard pour la Deutsche Bioscop GmbH (Berlin), présentent plus d’un point commun avec ceux du film de Gad. On y retrouve un château isolé dans un paysage de forêts propice aux embuscades et une jeune française tiraillée entre ses sentiments patriotiques et l’amour qu’elle éprouve pour un ennemi.
Comme Yvonne dans Die Verräterin, Madeleine, avoir avoir souhaité la perte de son amant, se ravisera et ira elle-même le libérer. Et elle aussi mourra en servant de bouclier à celui qu’elle aime.
- Madeleine - Emil Albes 1912 - EYE
Ilse Oeser, qui incarne cette héroïne faisant fi des conventions, est une actrice aux moyens plus limités que la grande Asta Nielsen mais elle habite l’écran d’une présence sensuelle très forte et ses partenaires ne sont pas en reste. Jouant tout en retenue, ils ne donnent jamais l’impression de déclamer face la caméra ou de souligner le sens des scènes qu’ils sont en train d’interpréter comme c’est parfois le cas dans d’autres films de cette époque.
Quant à Albes, il s’avère un formidable cinéaste sachant d’instinct composer et surtout animer le moindre plan en lui insufflant une dynamique irrépressible.
Dans les scènes d’intérieur le cadrage assez serré donne du relief aux entrées et sorties, aux légers (et fréquents) mouvements de caméra, au plus infime déplacement dans le champ. Chaque micro événement devient ainsi étrange et crucial, comme investi d’une signification énigmatique : le serviteur dont l’entrée, derrière le couple baguenaudant, est passée inaperçue et qui attend un instant avant de manifester sa présence ; les soldats allemands qui se cachent dans une malle au grenier, ressortent une fois l’alerte passée et descendent l’escalier en arrière-plan à l’insu des protagonistes tout à la joie des retrouvailles, devenant une menace précise et palpable à l’image mais d’autant plus forte que non soulignée dramatiquement.
Ce sens de la composition en mouvement fait également merveille dans les nombreuses scènes filmées en extérieur dont l’impact est renforcé par leur aspect documentaire et qui, superbement photographiées par Karl Hasselmann, jouent admirablement de la profondeur de champ et des effets de surprise, d’irruption dans l’image (il faut voir comment est utilisé le portail par lequel Madeleine fait s’échapper le prisonnier et par lequel vont entrer les troupes allemandes).
- Madeleine - Emil Albes 1912 - EYE
On pourra appeler réalisme la prodigieuse impression de vie qui éclate à chaque plan d’un film qui se garde bien d’assujettir ses péripéties et ses personnages aux impératifs d’une dramaturgie figée ou d’une quelconque leçon qu’il conviendrait d’illustrer. Ce qui est sûr, c’est que ces 46 haletantes sont un sacré morceau de cinéma stupéfiant tel qu’on pouvait parfois le pratiquer il y un siècle et dont le secret a vite été enfoui sous le savoir faire de routine pour n’être retrouvé que de ci de là par ceux, si rares, qui ont su oublier le métier et garder un regard neuf.
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