Cher ennemi
Le 17 mars 2012
Asta Nielsen en jeune femme tiraillée entre amour et patriotisme dans un mélo de 1911 aéré et inspiré : on prend !
- Réalisateur : Urban Gad
- Acteurs : Asta Nielsen, Max Obal, Robert Valberg, Emil Albes, Albert Paul, Max Wilmsen
- Genre : Drame, Film muet
- Nationalité : Allemand
- Durée : 50mn
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Asta Nielsen en jeune femme tiraillée entre amour et patriotisme dans un mélo de 1911 aéré et inspiré : on prend !
L’argument : Pendant la guerre franco-allemande de 1870-71, le lieutenant prussien von Mallwitz prend ses quartiers avec ses hommes dans le château de Bougival. La fille du marquis, Yvonne refuse d’abord d’être présentée au lieutenant mais tombe amoureuse de lui dès qu’elle le voit. Lui ne prête guère attention à la jeune femme. Pour se venger de son indifférence elle organise avec un groupe de franc-tireurs l’attaque du château. Mallwitz est fait prisonnier. Lorsqu’elle se rend compte qu’il va être exécuté Yvonne met tout en oeuvre pour le sauver.
Notre avis : Après le succès international de Afgrunden - L’abîme (Danemark 1910), succès confirmé par celui de Den sorte drøm - Le rêve noir, de Großstadtversuchungen - Tentations de la grand ville et de Nachtfalter - Papillon de nuit, l’actrice Asta Nielsen et le metteur en scène Urban Gad avaient signé un contrat pour la réalisation de vingt-quatre films (à raison de huit par an) avec la PAGU de Francfort sur le Main (Projektions-AG Union).
Cette imposante série comprend des comédies, comme Engelein - Petit ange ou encore Weiße Rosen - Les roses blanches, mais est surtout composée de drames (Der fremde Vogel - L’oiseau venu d’ailleurs, Die arme Jenny - Pauvre Jenny) et c’est indubitablement à cette dernière catégorie qu’appartient Die Verräterin, tourné dans les studios berlinois de la Deutsche Bioscop, vraisemblablement durant l’été 1911.
- Die Verräterin - Urban Gad (1911)
Le personnage d’Yvonne de Bougival, jeune française patriote s’éprenant d’un officier ennemi et entraînée par l’amour dans un engrenage de trahisons successives à l’issue forcément fatale est une de ces héroïnes, fréquentes dans la filmographie d’Asta Nielsen, qu’une passion interdite amène à mettre en jeu leur position sociale, parfois leur existence même.
Le jeu de l’actrice y est expressif (son éloquente grimasse lorsque elle se laisse embrasser par le garde pour tenter de le soudoyer), physique (quand elle terrasse un soldat qui tente de lui barrer le chemin) mais toujours légèrement détaché et stylisé, proche de la pantomime, ce qui lui permet de passer aisément d’un registre à l’autre, tantôt orgueilleuse, coquette (l’essayage du chapeau), intrépide (lorsque elle passe les lignes ennemies revêtue du manteau du lieutenant) ou tragique. Le personnage garde ainsi une part d’indécidable qui le rend d’autant plus intriguant.
La mise en scène de Gad est parfaitement au diapason du jeu de Nielsen et évite elle aussi l’insistance redondante. La relative pauvreté du langage cinématographique de l’époque est pour le cinéaste une contrainte stimulante. Le film est composé pour une large part de plans d’ensemble et les mouvements de caméra sont rares et à peine esquissés. Mais ces plans sont superbement cadrés et respirent toujours, la caméra de Guido Seeber captant admirablement la lumière particulière d’une forêt de pins du Brandebourg ou celle d’un vaste champ découvert au fond duquel apparaît un clairon qui avance en courant pour se poster sur la gauche de l’image et sonner le rappel.
Les plans d’intérieur sont de superbes tableaux vivants animés d’un mouvement perpétuel comme celui où la bonne doit se frayer un chemin au milieu des soldats au repos (celui qui se rase à gauche, les autres qui jouent aux cartes) pour arriver jusqu’à l’officier à qui elle doit remettre un message.
- Die Verräterin - Urban Gad (1911)
Plus étonnant encore est, dans un film par ailleurs très découpé, le long plan séquence dans l’auberge où on voit d’abord les soldats allemands attablés, puis se levant pour partir, les habitués s’attardant un peu plus longtemps, l’aubergiste resté seul qui ouvre une trappe dont sortent les partisans cachés, l’héroïne dont le visage surgit à la fenêtre du fond avant qu’elle n’entre par la droite.
Cette virtuosité enjouée, la beauté simple des effets visuels (le plan nocturne du château avec la bougie qui apparaît à une fenêtre pour donner le signal convenu) et la grâce naturelle du jeu pourtant très sophistiqué d’Asta Nielsen confèrent à ce petit film de moins d’une heure un charme irrésistible.
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