Liliom (1930) - La critique + Le test DVD

Cette luxueuse adaptation de la pièce de Molnár par le chantre hollywoodien de l’amour fou séduit par son côté naïf et enfantin mais n’échappe pas à la raideur et à une certaine niaiserie sentimentale.

L’argument : À Budapest, Julie se rend avec une amie à la fête foraine. Elle est éprise du bonimenteur du carrousel, le séduisant Liliom. Lorsque les deux jeunes gens font connaissance, Julie refuse de voir l’égoïsme de ce dernier en renonçant à son travail de bonne. Trois mois plus tard, le couple s’est installé sous un même toit. Liliom passe ses journées à somnoler tandis que Julie s’affaire aux travaux ménagers. Mais celle-ci tombe enceinte et Liliom accepte de participer à un hold-up pour permettre à sa famille de partir vivre en Amérique...

Notre avis : La pièce Liliom de Ferenc Molnár, créée sans succès le 7 décembre 1909 à Budapest, ne s’imposa au répertoire des théâtres du monde entier qu’à partir de 1913, après qu’Alfred Polgar l’eût adaptée en allemand sous forme de légende des faubourgs en sept tableaux et un prologue pour une production du Theater in der Josefstadt de Vienne. Fassbinder la montait à Bochum en 1972 et il arrive qu’elle soit encore jouée de nos jours.

L’attrait de la pièce est dû à son humour teinté de sentimentalisme et d’une mélancolie très Mitteleuropa, à la magie à deux sous de l’univers de la fête foraine (que Polgar avait transposée dans le Prater viennois), au mélange de folklore naturaliste et de féérie, mais surtout au personnage de Liliom lui-même, vaurien sympathique à la gouaille irrésistible mais incapable de s’élever, même après la mort, à la hauteur de l’amour inconditionnel que lui porte Julie, la servante au grand coeur qui expliquera à sa fille qu’il est tout à fait possible que quelqu’un te frappe et que ça ne te fasse pas mal.

Cette célébration de la force inébranlable de l’amour absolu ne pouvait que plaire à Frank Borzage, le cinéaste de L’heure suprème, de L’ange de la rue, de Lucky star, et Liliom, production de prestige de la Fox, devait lui permettre de réunir à nouveau le couple formé par Charles Farell et Janet Gaynor.
Cette dernière étant indisponible, c’est Rose Hobart qui hérita du rôle de Julie qu’elle avait déjà joué sur scène. Son interprétation est un peu raide, Borzage lui ayant demandé de réciter son texte, mais son regard radieux illumine le film. Le Liliom de Farell est un grand enfant capricieux un peu niais et fort sympathique mais les efforts de l’acteur pour traduire la brutalité et la séduction dangereuse du personnage échouent lamentablement.

L’atmosphère austro-hongroise est évoquée par les musiques de valse et des personnages secondaires assez typés mais le cinéaste a choisi d’installer l’action dans un univers de studio abstrait et géométrique dont une photo très contrastée souligne encore le caractère artificiel.
En évacuant ainsi le réalisme de la pièce de Molnár, Borzage lui fait perdre beaucoup de son sel et en fait une espèce de joli conte naïf, n’échappant pas à une certaine niaiserie sentimentale.
On peut certes prendre un plaisir enfantin à pénétrer dans ce monde de jouets géants (le rapide rouge du purgatoire ravira les amateurs de trains électriques) et trouver touchants les efforts titanesques déployés pour aboutir à ce luxueux objet quasi expérimental et un rien prétentieux voué à un échec public programmé.

La pièce avait déjà servi de point de départ à un film hongrois inachevé de Mihály Kertész (Michael Curtiz) en 1919, ainsi qu’à une adaptation américaine, très infidèle, intitulée A trip to Paradise, réalisée par Maxwell Karger en 1921. Il y aura aussi, en 1956, le film de Henry King Carousel, version filmée de la comédie musicale homonyme de Rodgers et Hammerstein transposant l’action en Nouvelle Angleterre. Mais le Liliom le plus convaincant reste celui que Fritz Lang tournera en France en 1934 avec Charles Boyer.

Le DVD

Après le magnifique coffret consacré aux derniers chefs-d’oeuvre muets de Borzage, Carlotta sort le 9 mars 2011 une belle édition DVD de Liliom

Les suppléments

Service minimum cette fois ci. Mais les 8 minutes de présentation du film par Hervé Dumont, éminent borzagien devant l’éternel (Sarastro à Hollywood) suffisent amplement.

Image

Pas une rayure, un sublime noir et blanc contrasté parfaitement restitué par une compression irréprochable. Bravo !

Son

Son mono bien sûr, mais d’une netteté parfaite, sans trace de souffle : là aussi du très bon travail.