Tempête de neige
Le 29 mai 2024
Éblouissante démonstration d’un art parvenu à son plus haut degré d’accomplissement, le dernier film muet de Borzage renouvelle l’émerveillement suscité par les chef-d’œuvre précédents.
- Réalisateur : Frank Borzage
- Acteurs : Janet Gaynor, Paul Fix, Charles Farrell, Guinn Williams
- Genre : Drame, Romance, Film muet, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 1h36mn (DVD) / 1h40mn (Blu-ray)
- Titre original : Lucky Star
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-670...
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– Sortie aux Etats-Unis : 7 juillet 1929
Résumé : Fille aînée de la veuve Tucker, Mary subvient aux besoins de la famille en vendant du lait aux ouvriers des lignes électriques. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Tim Osborne et son supérieur, le rustre Wrenn. Lorsque ce dernier joue un tour à Mary, Tim intervient pour la défendre. Les deux hommes se battent au sommet d’un poteau électrique mais sont interrompus par un message télégraphique. Nous sommes en avril 1917, les États-Unis viennent d’entrer en guerre. Deux ans plus tard, Mary retrouve Tim, revenu du front infirme...
Critique : Retrouvé au Pays-Bas en 1990, Lucky star - L’isolé est le dernier film muet de Frank Borzage, du moins pour ce qui est de la version distribuée en Europe. Aux États Unis il sortit le 7 juillet 1929 sous forme de talkie. Sans doute n’y a-t-il pas lieu de regretter trop vivement la disparition de cette version américaine, rafistolage de fortune encombré de scènes bavardes et lourdement explicatives. La version muette, quant à elle, témoigne de l’accomplissement auquel était parvenu l’art du cinéaste à ce stade de sa carrière.
Le film, basé comme La femme au corbeau sur une nouvelle de Tristram Tupper, réunit à nouveau l’équipe qui avait porté au triomphe 7th heaven et L’ange de la rue - Street angel : le couple Gaynor - Farrell, Ernest Palmer à la photo, Harry Oliver aux décors, Barney Wolf au montage. On retrouve aussi nombre d’ingrédients des films précédents, à commencer par le thème de la puissance révélatrice et libératrice de l’amour. C’est cette force en effet qui transforme la chenille Mary en papillon et finit même par rendre au paraplégique Timothy l’usage de ses jambes lors d’un final en apothéose au milieu d’une tempête de neige.
Abandonnant le cadre exotique des deux films précités, Borzage installe l’intrigue dans une Amérique rurale et pauvre mais sans pour autant recourir aux prises en extérieur. La vallée où se déroule l’essentiel de l’intrigue, hormis la brève séquence sur le front de la Première Guerre mondiale, est en effet entièrement reconstituée en studio. C’est un décor extraordinaire, à la fois réaliste et fantasmagorique, privé de ciel et constamment baigné dans une semi-pénombre illuminée par des reflets dont l’origine n’est pas toujours clairement identifiable.
Ce formidable travail formel et la perfection d’un ensemble où tous les éléments (interprétation, mouvements de caméra, montage) sont parfaitement millimétrés risque d’ailleurs, nous semble-t-il, de freiner par moments l’adhésion du spectateur qui ne peut qu’être ébloui par ces prouesses. Elles sont toujours, certes, au service de l’émotion mais on pourra néanmoins trouver un soupçon d’affectation dans l’insolente naïveté que Borzage affiche à nouveau et qui balayait toutes réserves dans les films précédents.
Laissons-nous pourtant entraîner une fois de plus, émerveillés, dans cet univers de conte de fées où les miracles finissent toujours par se produire.
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Le DVD
Carlotta comble une fois plus les cinéphiles en éditant, le 3 novembre 2010, un luxueux coffret Borzage réunissant les quatre chefs-d’œuvre qui couronnent sa carrière muette accompagnés de courts métrages du réalisateur et de témoignages précieux. Chacun des films est également disponible séparément en Blu-ray. Quelle que soit l’option choisie, un superbe album photos est offert en prime.
Nous avons déjà analysé La femme au corbeau (qui accompagne Lucky Star), ainsi que les DVD de L’heure suprême - 7th heaven et de L’ange de la rue - Street Angel.
Les suppléments
Un menu copieux et nourrissant, comme d’habitude chez Carlotta :
– Le dernier, et le plus beau, des trois courts-métrages réalisés par Borzage dans les années 50 pour la série Screen Directors Playhouse, The Day I Met Caruso, qui fait se rencontrer dans un train une petite fille quaker et le fameux ténor. L’occasion de constater une fois de plus les affinités particulières de Borzage avec la musique : la voix chantée de Caruso est celle des cires originales.
– On prêtera aussi une attention soutenue aux commentaires d’Hervé Dumont, grand spécialiste de Borzage et auteur d’une volumineuse monographie du cinéaste intitulée Sarastro à Hollywood. Il fournit de précieuses informations sur Lucky Star - L’isolé lors d’un entretien filmé de 12 mn et livre aussi un commentaire audio de The River, à la fois instructif et pertinent dans ses analyses.
– Une partie ROM comprenant des fac-similés d’articles de presse ainsi que celui de la nouvelle de Tristram Tupper.
– Un livret illustré de superbes photos complète généreusement le programme.
Image
– The River n’ayant survécu que dans une copie 16mn assez abimée, la qualité de l’image n’est pas exceptionnellement bonne mais elle est néanmoins très correcte, ni trop sombre, ni surexposée, et permet d’apprécier dans de bonnes conditions la poésie intense du film.
– La copie de Lucky Star, miraculeusement retrouvé en 1990, est en revanche superbe, avec son noir et blanc velouté et sa définition presque irréprochable.
– Le court métrage bénéficie lui aussi d’un beau noir et blanc contrasté et d’une copie en très bon état.
Le report numérique est d’excellente qualité.
Son
– Lucky Star a droit, en 5.1, a un accompagnement original efficace (même un peu trop, peut-être) composé par Christopher Caliendo qui recourt abondamment aux cuivres et percussions.
– Pour La femme au corbeau, on pourra au choix conserver ou supprimer le movietone d’origine (mono 1.0), pot-pourri symphonique qui a son petit charme bien à lui (en mono 1.0) mais écorche un peu les oreilles.
– Pour le court métrage, son mono très propre.
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