La glace et le feu
Le 26 octobre 2010
Tronqué et pourtant sublime, cette explosion d’érotisme d’une force poétique incandescente occupe une place à part dans l’oeuvre admirable de Frank Borzage. Le film est inclu dans un superbe coffret DVD, édité par Carlotta le 3 novembre et comprenant quatre chefs-d’oeuvre du cinéaste.
- Réalisateur : Frank Borzage
- Acteurs : Mary Duncan, Charles Farrell, Margaret Mann
- Genre : Comédie dramatique, Film muet
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-670...
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– Durée actuelle : 55mn
– Durée originale : 1h24mn
Tronqué et pourtant sublime, cette explosion d’érotisme d’une force poétique incandescente occupe une place à part dans l’oeuvre admirable de Frank Borzage. Le film est inclu dans un superbe coffret DVD, édité par Carlotta le 3 novembre et comprenant quatre chefs-d’oeuvre du cinéaste..
L’argument : Une jeune femme dont l’amant est emprisonné pour meurtre, rencontre un jeune homme vagabond. Isolés par la nature hostile et les intempéries, ils sympathisent et peu à peu un sentiment amoureux naît entre eux tandis que la jeune femme est "surveillée" par le corbeau qu’a laissé dans ce but son amant.
Notre avis : Lorsqu’il entame en 1926 la réalisation de L’heure suprême - Seventh heaven pour William Fox, Frank Borzage est un metteur en scène reconnu et admiré. Sa filmographie est déjà conséquente et comprend bon nombre d’oeuvres remarquables : les merveilleux petits westerns des années 1915-1917 dont, pour la plupart, il est aussi l’interprète principal (On en trouvera trois en complément de programme de l’édition DVD Filmmuseum de The river), de superbes mélos tels que Humoresque (1919), Secrets (1923) ou The lady (1924), et au moins un chef-d’oeuvre majeur : Lazybones (1925), exquise chronique villageoise relevant du genre americana et déjà produite par William Fox.
Seventh heaven, très grosse production tournée en même temps que L’aurore - Sunrise de Murnau, avec les mêmes acteurs, connaîtra un succès phénoménal qui permettra à Borzage de devenir l’autre star director de la firme et de réaliser, avec peu ou prou la même équipe, trois autres films exceptionnels jusqu’en 1929. La suite de sa carrière (notamment à la MGM) sera brillante et prestigieuse mais il ne retrouvera plus le même degré de liberté créatrice assortie de moyens quasi illimités.
Dans cet ensemble de quatre films La femme au corbeau - The river occupe une place un peu à part. L’influence de l’expressionnisme allemand y est moins marquée que dans les trois autres et, s’il fallait lui trouver une source d’inspiration, il faudrait sans doute plutôt la chercher du côté du cinéma scandinave, de Stiller ou de Sjöström (qui, au même moment tourne, pour la MGM, The wind et The divine woman).
En effet, et bien que la totalité des décors aient été construits à grands frais sur le terrain de la Fox (à deux pas de ceux de Sunrise), l’artifice assumé du studio cède la place aux éléments naturels (l’eau du fleuve, le vent glacial et la neige) ressentis, à la vision du film, avec une immédiateté rarement éprouvée ailleurs.
Ce déchaînement des forces de la nature s’accompagne d’une explosion d’érotisme sans équivalent dans le reste de l’oeuvre du cinéaste. Réuni également, la même année, dans l’admirable City girl de Murnau, le couple atypique formé par Charles Farell, interprète d’élection du cinéaste, et par la troublante Marie Duncan, met superbement en action l’attirance des contraires. Les relations entre Rosalee, la femme au corbeau, qui a une solide expérience de la vie et qui sait ce qu’elle veut, et du jeune Allan John, figure de grand enfant candide, inconscient des pulsions qui le font agir, prennent la forme d’un jeu de provocation réciproque tellement explicite qu’il en redevient mystérieux. Ce jeu se décline en une suite de figures poétiques d’une audace incroyable.
Le plus haut degré d’incandescence est atteint dans quelques scènes d’anthologie comme celle où Allan Jones, tel un forcené, coupe des sapins à la hache au milieu d’une tempête de neige pour prouver à Rosalee qu’il est capable de la chauffer pour tout l’hiver, ou cette autre où la jeune femme se couche sur l’homme étendu sous les draps, inconscient et presque mort de froid, pour le ramener à la vie.
L’innocence païenne et enjouée de The river ne pouvait que choquer l’Amérique puritaine. Conscients de son caractère (innocemment) scandaleux, les distributeurs l’exploitèrent presque à la sauvette, l’écartant des salles d’exclusivité où triomphèrent les autres titres de la série. Il eut plus de chance en Europe, notamment en France où il enthousiasma les surréalistes qui y virent une vibrante célébration de l’amour fou.
La version que l’on peut voir de nos jours à été reconstituée à partir d’une copie incomplète (43mn sur 84), le début, la fin et quelques séquences intermédiaires étant irrécupérables. Mais même sous cette forme tronquée et fragmentaire, la force poétique de The river produit un choc émotionnel dont on ne se remet pas de sitôt.
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