Miracle à Montmartre
Le 31 octobre 2010
Ce conte de fées, produit hollywoodien de luxe au succès planétaire, est, en dépit du charmant bric-à-brac qui l’encombre, une hymne à l’amour d’une ahurissante audace expressive.
- Réalisateur : Frank Borzage
- Acteurs : Janet Gaynor, Charles Farrell, David Butler, Ben Bard, Albert Gran
- Genre : Comédie dramatique, Film muet
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-670...
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– Durée : 1h54mn (DVD)
– Durée : 1h59mn (blu-ray)
– Titre original : 7th heaven
– sortie aux Etats-Unis : 6 mai 1927
Ce conte de fées, produit hollywoodien de luxe au succès planétaire, est, en dépit du charmant bric-à-brac qui l’encombre, une hymne à l’amour d’une ahurissante audace expressive.
L’argument : À Montmartre, l’égoutier Chico envie le nettoyeur de rue qui travaille à la surface. Non loin de là, dans une chambre sordide, la jeune Diane se fait battre par sa grande sœur que la misère et l’absinthe ont rendue folle. En fuyant, Diane rencontre Chico qui lui prête main forte, avant de laisser la jeune fille à ses déboires. Mais lorsque la police intervient, Chico fait croire que Diane est sa femme afin de lui éviter la prison et l’emmène chez lui, au septième étage d’un vieil immeuble mansardé, sous la voûte étoilée...
Notre avis : En 1925 Frank Borzage, cinéaste à la réputation déjà bien établie, signait un contrat avec William Fox, rejoignant ainsi Walsh, Ford, Dwan et Hawks (qui se lançait dans la mise en scène avec Fig leaves).
Il avait déjà réalisé plusieurs films pour la firme, dont le magnifique Lazybones, lorsqu’il accepta de se charger de l’adaptation d’une pièce à succès d’un certain Austin Strong mêlant un misérabilisme très dix-neuvième siècle, à la Dickens, à un sentimentalisme teinté de bondieuserie.
Ces éléments sont présents dans 7th heaven, mais comme transfigurés par une espèce de naïveté exaltée et une audace expressive qui se hisse sans peine au sublime.
La préparation ayant été interrompue en raison de l’arrivée en fanfare de Murnau et de la mobilisation de toutes les forces de la Fox pour L’aurore, on offrit à Borzage un voyage en Europe qui lui permit de se rendre à Paris, sur les lieux où se déroulerait l’action de son film.
Mais l’option d’un tournage sur place fut rapidement abandonnée, le cinéaste, peu soucieux de réalisme, préférant reconstituer de toutes pièces un Paris fantasmé en Californie et utiliser à sa guise toutes les ressources d’éclairages et de mouvements de caméras que lui offrait un tournage en studio.
Le Montmartre que le décorateur Harry Oliver fait surgir à l’écran est un espace urbain totalement stylisé que seuls un Sacré Coeur et une Tour Eiffel aperçus par les fenêtres d’une mansarde permettent d’identifier. Ce décor, clairement sous influence de l’expressionnisme allemand, nous transporte dans un univers de conte de fées d’où la notion de vraisemblance est totalement évacuée.
Et c’est vrai qu’on pourrait s’amuser à faire l’inventaire des incongruités accumulées par le film, mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Car le contexte, sociologique ou historique (la guerre de 14-18, l’épisode des taxis de la Marne) aussi pittoresque fut-il, intéresse peu Borzage qui d’ailleurs laissa à John Ford le soin de filmer les scènes de batailles.
Tout cela n’est qu’un arrière-fond, une toile peinte bariolée destinée à mettre en valeur les deux protagonistes, les quasi débutants Janet Gaynor et Charles Farell, que le succès phénoménal du film allait transformer en couple idéal (réuni douze fois à l’écran). Borzage a trouvé en ces deux acteurs au registre assez limité les interprètes idéaux pour célébrer le miracle de l’amour qui transfigure les personnages candides et frustes qu’ils incarnent.
La mise en scène, d’une audace expressive et d’une virtuosité folles, est toute entière tendue vers des moments d’extase minutieusement préparés et organisés, le point culminant étant atteint lors de l’apothéose finale : montage alterné montrant Diane désespérée, convaincue par tous de la mort de Chico, et celui-ci, ressuscité, traversant, aveugle aux yeux exorbités, la foule en liesse de l’armistice, escaladant l’escalier en colimaçon filmé en plongée et surgissant au septième ciel devant l’assemblée abasourdie, avant qu’un rayon de lumière oblique ne vienne illuminer les deux amants à genoux, enlacés.
En dépit de tout son ahurissant (et délicieux) bric-à-brac, 7th heaven est bien, comme La femme au corbeau ou Man’s castle une vibrante exaltation de l’amour fou. Un amour joyeux et libérateur qui annihile tout le reste : les contraintes sociales, le mal, la mort même.
Ce film, qui connut un succès mondial et suscita de nombreux remakes est à la fois le produit accompli et luxueux d’un système hollywoodien parvenu à un rare degré de sophistication et une oeuvre inclassable bousculant toutes les conventions.
Le DVD
Carlotta comble une fois plus les cinéphiles en éditant, le 3 novembre 2010, un luxueux coffret Borzage réunissant les quatre chefs d’oeuvres qui couronnent sa carrière muette accompagnés de courts métrages du réalisateur et de témoignages précieux. Chacun des films est également disponible séparément en blu-ray. Quelle que soit l’option choisie, un superbe album photos est offert en prime.
Nous analyserons ultérieurement les DVDs de L’ange de la rue - Street angel et de Lucky star - L’isolé / La femme au corbeau .
Les suppléments
Comme toujours chez Carlotta, les compléments sont nombreux et précieux :
– Au septième ciel : filmé devant la basilique du Sacré-Coeur (évidemment), un entretien de 20mn avec Hervé Dumont, grand spécialiste de Borzage et auteur d’une volumineuse monographie du cinéaste intitulée Sarastro à Hollywood. Très instructif, passionné et passionnant.
– Plus précieux encore : un entretien audio de 27mn avec Borzage réalisé en 1958 au cours duquel le cinéaste évoque diverses étapes de son parcours : ses débuts comme acteur, ses premiers westerns, le tournage de Humoresque pour Hearst. Le tout est judicieusement illustré de photos des films en question.
- Le premier des trois courts-métrages réalisés dans les années 50 pour la série Screen directors playhouse : Day is done avec Rory Calhoun et Bobby Driscoll. Un exercice de style modeste mais qui porte néanmoins la marque du cinéaste et dans lequel la musique, comme souvent chez Borzage, joue un rôle essentiel (ici celle d’un clairon ramassé sur un champ de bataille de la guerre de Corée).
Image
La copie utilisée n’est pas exempte de griffures et l’image que le chef opérateur Ernest Palmer a nimbée d’un sfumato du plus bel effet est d’une définition seulement correcte. Mais les nuances du noir et blanc sont bien rendues et agréables à l’oeil. L’image du court-métrage est impeccable.
Son
C’est le movietone d’origine, pot-pourri orchestral à base de citations (la marseillaise entre autres) qui est proposé comme seule piste sonore, en mono 1.0. Les stridences et la saturation ont été atténuées et cet accompagnement possède un charme suranné. On peut aussi s’en passer.
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