Affaire(s) de famille
Le 1er juillet 2008
À travers cette radiographie d’une famille juive confrontée au deuil, Ronit et Shlomi Elkabetz nous livrent, avec finesse et sans voyeurisme, le portrait brut et bouleversant d’une société israélienne qui survit entre les bombes.
- Réalisateurs : Ronit Elkabetz - Shlomi Elkabetz
- Acteurs : Yaël Abecassis, Simon Abkarian, Ronit Elkabetz, Hanna Laszlo, Moshe Ivgy
- Genre : Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Israélien
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Shiva
- Date de sortie : 2 juillet 2008
- Festival : Festival de Cannes 2008
Résumé : Israël, 1991. Toute la famille Ohaion pleure la disparition de l’un des siens. Fidèles à la tradition, les proches sont censés se réunir dans la maison du défunt et s’y recueillir pendant sept jours. Alors que chacun semble se plier à la coutume, la cohabitation devient de plus en plus pesante. Contraints de se supporter jour et nuit, frères et sœurs ne tardent pas à laisser l’amertume et les disputes prendre le pas sur le recueillement. L’atmosphère devient bientôt irrespirable et les vérités enfouies depuis longtemps remontent enfin à la surface...
Critique : Le visage blanc couleur d’albâtre et les cheveux de jais, nous retrouvons ainsi, douze ans après, Viviane, le personnage central de Prendre femme, premier long métrage de Ronit Elkabetz, coréalisé avec son frère cadet, Schlomi.
Entourée des siens - sa famille, son mari -, elle assiste, bouleversée, à l’enterrement de son frère bien-aimé. Cette première scène nous plonge au cœur des rites d’une famille juive. Si les simagrées, les larmes, le décorum interpellent et demandent un temps d’adaptation, on est très vite submergé par ces visages ravagés de douleur, par la violence des sentiments et par les liens étroits qui unissent cette grande famille autour de la mater dolorosa. Sous les yeux de cette dernière qui vient de perdre l’enfant chéri, les rancœurs, les désirs, les lâchetés vont se révéler.
Par petites touches, le vernis craque. Comme des visiteurs rendant hommage au défunt, un peu voyeur, on perçoit les secrets, les non-dits de chacun. La caméra des réalisateurs scrute longuement les visages, à la découverte des sentiments de chacun. Dans cette atmosphère de plus en plus étouffante, la violence des regards et des gestes est de plus en plus prégnante. L’imminence d’un drame est palpable. Sans jamais appuyer le trait, tout en simplicité comme le décor d’une blancheur virginale, la force de ces vies banales est sublimée. Emporté dans ce manège de sentiments, entre rires et larmes, touché au cœur, on est bouleversé.
Le jeu des acteurs, toujours juste et subtil, est pour beaucoup dans l’attrait de ce métrage. Ronit Elkabetz est implacable dans le rôle de la femme battante qui n’a toujours pas réussi à régler le conflit avec son époux. À ses côtés, la lumineuse Yael Abecassis hante la pellicule par sa silhouette éthérée, cachant le second deuil qui la ronge lentement. Les autres comédiens sont au diapason.
Au cœur du film, une scène paroxysmique va permettre à chacun de se libérer de toutes les tensions sous-jacentes qui plombaient les liens familiaux. Avec une incroyable violence verbale et gestuelle, chacun va enfin s’exprimer et se déchirer. Témoin de ce drame, la mère ne peut donner à ses enfants que les larmes de son impuissance...
Touché en plein cœur et en pleine âme, on ressort de la salle obscure retourné, hanté par cette famille qui, malgré la distance culturelle, reste bien proche de nous.
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Norman06 29 avril 2009
Les sept jours
Un air de famille. Après Prendre femme, le cinéma (pas uniquement israélien) doit compter sur "Les" Elkabetz, qui rejoignent les grandes fratries du 7e art, à l’instar des Taviani ou des Coen. C’est une poignante radioscopie des névroses familiales, les personnages étant en situation d’anomie entre respect des traditions, amour des proches et volonté d’émancipation. Entre Cassavetes et Sautet, ce "Conte israélien" trouve sa voie, et les personnages ont "chacun leur raison". Du plan séquence d’exposition (l’enterrement) à la procession finale, un parcours psychologique magistral.