Le 11 juillet 2022
Actrice magnétique et tragique, Ronit Elkabetz est l’héroïne de ce documentaire formellement novateur, qui constitue un hommage poignant.
- Réalisateur : Shlomi Elkabetz
- Acteurs : Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz
- Genre : Documentaire
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 3h25min
- Date de sortie : 29 juin 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021
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Résumé : Dans un taxi parisien, un homme apprend, par un voyant marocain, que sa sœur est sur le point de mourir. Pour tenter de déjouer la prédiction, le frère entreprend alors un voyage fictif entre le Maroc, Israël et Paris. A partir d’extraits de la trilogie écrite et réalisée par Ronit et Shlomi Elkabetz et d’archives familiales, "Cahiers Noirs - Viviane" et "Cahiers Noirs - Ronit" nous invitent dans l’intimité d’une famille judéo-arabe. Une histoire imaginaire où le frère et la sœur revisitent le passé et le présent pour défier un avenir implacable. Mais l’ombre de la prophétie plane toujours, dans la vie comme au cinéma.
Critique : Si l’enthousiasme provoqué par une expérience artistique s’exprime de manière volontiers superlative, on peut dire, au-delà de l’émotion ressentie, que Cahiers noirs fera date. Consacré à l’actrice et réalisatrice israëlienne Ronit Elkabetz (1964-2016), ce diptyque échappe à l’écueil du livre d’images qu’on feuillette, sagement fidèle à une chronologie et des intentions hagiographiques. Tout autre, le film interroge le spectateur dès ses premières séquences immersives, entremêle la réalité et la fiction, grâce à un montage savant d’une grande fluidité, qui ne nous laisse jamais au bord du chemin. Intense, magnétique, Ronit Elkabetz l’était, diamant noir d’une sorte de Nouvelle Vague israélienne, apparue au mitan des années 2000. C’est à cette période que la comédienne, déjà très connue dans son pays pour ses rôles dans Le Prédestiné de Daniel Wachsmann (le long métrage qui l’a révélée en 1990), Sh’Chur de Shmuel Hasfari (1994) ou Mariage tardif de Dover Koshashvili (2001), entame la réalisation d’une trilogie avec son frère, le metteur en scène Shlomi Elkabetz.
- Copyright Dulac Distribution
Les deux artistes y racontent le parcours de Viviane Amsalem, jeune femme en quête d’émancipation à la fin des années 70, rattrapée par les injonctions d’une société israélienne patriarcale. L’itinéraire de ce personnage volontaire et pugnace, porté par l’incandescence du jeu de la comédienne, nourrit le premier opus de Cahiers Noirs, où les images d’archives personnelles, tournées pendant des années par Shlomi Elkabtez, dialoguent avec Prendre femme, sorti en 2004, dans un jeu de miroirs fascinant, qui s’élargit au portrait d’une famille juive marocaine vivant à Tel-Aviv. Ronit Elkabetz y apparaît telle qu’en elle-même, pleine de vie et de conviction, à la fois exigeante et drôle ; prolonge ses personnages à l’écran, évoque Gena Rowlands, Anna Magnani et Maria Callas. On ne la lâche pas des yeux, comme la caméra fascinée par cette diva aux cheveux de jais, les yeux cernés de khôl, capable de transcender une anecdote dans le cercle intime en numéro d’actrice inoubliable, touchante lorsqu’elle guette, avec son frère, les réactions des critiques du Masque et la Plume à leur première œuvre commune, saisissante lorsqu’elle tient tête à une présentatrice de télévision, en pleine promotion de son long métrage.
- Copyright Dulac Distribution
Quand la maladie s’annonce, la caméra se consacre essentiellement à Ronit et la deuxième partie du documentaire s’attarde sur le tournage du Procès de Viviane Amsalem, de plus en plus difficile, où la comédienne semble puiser dans ses dernières forces pour accompagner des séquences en huis clos qui semblent un écho de son propre enfermement. La vie et la mort jouent à cache-cache, les images d’un mariage longtemps désiré et d’une maternité heureuse précèdent de très peu la lente agonie d’une actrice qui continue, malgré les effets de la chimiothérapie, à privilégier le mouvement, entre Paris, Tel-Aviv, Los Angeles, à entretenir sa forme physique pour accélérer, dit-elle, la guérison.
Hélas, le destin s’emballe, comme les images au montage. Un projet de film sur Maria Callas, dont on aurait rêvé, et c’est déjà la fin, qui nous renvoie au début, faisant sauter "les cadenas temporels", pour reprendre les termes du réalisateur. Au pied de l’appartement parisien vidé de ses cartons, le frère patiente et voit sa sœur accoudée au balcon. Mais après avoir dévalé le grand escalier, il n’entre que dans un lieu de mémoire.
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