Le 6 novembre 2018
Spectaculaire mais déjà un peu anachronique à sa sortie, cette version des Révoltés du Bounty a de solides atouts dont quelques scènes d’anthologie.
- Réalisateurs : Carol Reed - Lewis Milestone
- Acteurs : Marlon Brando, Richard Harris, Hugh Griffith, Richard Haydn, Trevor Howard, Frank Silvera, Percy Herbert, Chips Rafferty, Duncan Lamont
- Genre : Aventures, Historique, Romance
- Nationalité : Américain
- Durée : 2h58mn
- Date télé : 13 octobre 2024 22:39
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Box-office : 1 767 612 entrées France / 241 774 Paris Périphérie
- Titre original : Mutiny on the Bounty
- Date de sortie : 21 décembre 1962
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Résumé : Le Bounty ramène de Tahiti des plants d’arbres à pain et les transporte en Jamaïque. À son bord, le cruel capitaine Bligh affame ses hommes et les maltraite. Le lieutenant Fletcher Christian va s’opposer à lui et organiser une mutinerie.
Critique : Dernier film de Milestone, échec cruel à sa sortie, Les révoltés du Bounty se veut monumental et prestigieux : ouverture musicale, reconstitution et décors superbes, interprétation de haute volée, la MGM avait même fait construire un navire complet à grands frais. Mais les problèmes se sont accumulés : Carol Reed, qui avait commencé le tournage en est parti, et Marlon Brando s’est distingué par des caprices récurrents. Pourtant, à l’écran, le résultat est impressionnant : les moyens se voient et, bien qu’il soit très long, le film bénéficie d’une construction soignée et rigoureuse ; comme d’autre part, les péripéties sont nombreuses et palpitantes, on ne s’ennuie jamais.
La rivalité entre un Bligh inhumain et son lieutenant progresse lentement pendant le voyage jusqu’à Tahiti, mais leur différence apparaît dès l’embarquement, la raideur de l’un s’opposant au dandysme précieux de l’autre. Le scénario distille patiemment la rancœur de l’équipage et la prise de conscience progressive de Christian, mais Milestone n’oublie pas l’aventure, avec une belle séquence de tempête. D’une manière générale, les scènes spectaculaires sont plutôt réussies : la pêche à Tahiti, l’incendie du navire, autant de morceaux de bravoure qui témoignent d’un savoir-faire évident. On est un peu plus sceptique devant les moments psychologiques, qui manquent de tranchant ; la mise en scène y devient paresseuse, et frise le médiocre ou la carte postale quand le sentiment l’emporte. Coucher de soleil sur l’île ou adieu final, le cliché n’est jamais loin et entache une œuvre par ailleurs souvent probe.
- Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)
Si tel plan (le travelling qui part des nombrils de danseuses pour aboutir à la plante morte) ou de rares traits d’humour (l’hymne national accompagnant Christian vers sa promise) rehaussent le niveau, c’est davantage pour un scénario très riche ou d’impeccables numéros d’acteurs qu’on se souvient de ces Révoltés : Brando, pour peu que l’on soit sensible à son jeu, incarne son personnage avec d’infinies nuances ; mais c’est Trevor Howard qui épate. Il fait de Bligh un être complexe, trahi par des tics faciaux, l’incarnation de l’officier borné obsédé par sa mission. L’acteur suggère habilement que l’opacité camoufle des sentiments inavoués : homosexualité latente, frustration, désir de revanche ? Si rien n’est dit, et c’est tant mieux, on sent à de multiples touches que son sadisme est un couvercle mal taillé qui laisse échapper de sombres bouillonnements. À côté de lui, les seconds rôles parviennent à exister et participent à la cohérence de l’ensemble.
Les révoltés du Bounty n’est pas un chef-d’œuvre du genre : inférieur à la version de 1935, trop inégal pour séduire entièrement, le film a néanmoins des atouts. Flamboyant et esthétiquement soigné, il a parfois du souffle. On regrette néanmoins qu’aient été coupés le prologue et l’épilogue (visibles sur le DVD) qui explicitaient le rôle du narrateur (inutile dans la version retenue) et assuraient une plus grande cohérence ; on aurait également connu le destin des marins. On peut aussi déplorer que la vision du cinéaste soit empâtée : la séquence des arbres à pain jetés à l’eau est marquante, mais beaucoup d’autres souffrent d’un style anonyme ; les nombreuses scènes dans le navire sont figées, presque tétanisées. Il y avait pourtant de la matière, comme le suggère le parallélisme entre Bligh et Christian, tous deux enfermés quand l’équipage s’amuse sur l’île. Reste que, à défaut de fièvre, on suit avec intérêt ces aventures hautes en couleurs : elles signent aussi la fin d’un certain cinéma hollywoodien, puisque, avec le naufrage du quasi contemporain Cléopâtre de Mankiewicz, elles témoignent des efforts désespérés des grands studios pour retenir par le gigantisme un public devenu volatil. En ce sens, Les révoltés du Bounty a la saveur de majestueux derniers feux.
- Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)
- Copyright Metro Goldwyn Mayer (MGM)
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