Le 19 novembre 2018
Malgré quelques faiblesses, ce beau film sur l’enfance et le secret mérite largement d’être redécouvert.
- Réalisateur : Carol Reed
- Acteurs : Michèle Morgan, Ralph Richardson, Jack Hawkins, Bobby Henrey, Sonia Dresdel
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h35mn
- Reprise: 21 novembre 2018
- Box-office : 1 227 586 entrées France / 220 936 entrées P.P
- Date de sortie : 22 juin 1949
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– Année de production : 1948
Résumé : Fils d’un ambassadeur à Londres, le jeune Felipe est confié, en l’absence de ses parents, à la garde de Baines, le majordome auquel il voue une confiance sans bornes. Felipe découvre alors que Baines entretient une maîtresse. Le même jour, Mme Baines chute dans l’escalier et meurt. Les explications embrouillées de Felipe, tentant de disculper son idole, éveillent les soupçons de la police.
Notre avis : Inexplicablement, cette première collaboration entre Graham Greene et Carol Reed, après un beau succès en salles, a sombré dans l’oubli au contraire de la suivante, Le troisième homme, qui demeure dans la mémoire des cinéphiles. Peut-être est-ce dû à l’absence de têtes d’affiche, ou plus probablement au fait que le film ne peut être enfermé dans un genre particulier. Ce n’est pas vraiment un film policier, ni une romance. Car si ces deux éléments sont présents à travers les soupçons sur la mort de Mme Baines et la liaison entre son mari et Julie comme à travers l’intrusion et les questions des agents, on sent que Reed ne s’y intéresse pas. Les dialogues amoureux sont bien plats, et l’accident de Mme Baines est présenté sans ambiguïté ; non, si le cinéaste a adapté et développé une nouvelle de Graham Greene, c’est certainement parce qu’il y a vu une occasion d’explorer un problème de point de vue.
- Copyright Tamasa / StudioCanal
Dès la première image, un plan de Phil, le fils d’ambassadeur resté seul, derrière les barreaux d’une rampe, Reed annonce son projet : pour l’essentiel, c’est par ce témoin curieux que nous serons informés ; c’est Phil qui découvre par hasard la liaison de Baines, le majordome qu’il admire, c’est lui qui entend la dispute entre les époux, lui encore qui croit voir un meurtre par une vision parcellaire. Il y a quelque ironie à ce qu’avec les meilleures intentions du monde, le garçon enfonce son idole et fasse croire à sa culpabilité alors même qu’il cherche à le défendre. De même la fin sarcastique voit-elle Baines mis hors de cause par un indice que Phil souhaite ruiner. Car la morale élastique des adultes ne cesse de bouger, à la frontière entre vérité et mensonge (nécessaire ou nuisible), l’enfant étant perdu dans un entrelacs de paroles, à quoi correspond visuellement l’enchevêtrement de grilles, barreaux, qui ne cesse de l’étouffer. De ce point de vue, Fallen idol est une vraie réussite : Reed excelle à faire de la grande maison un terrain de jeux pour sa caméra inventive ; que ce soit par les plongées sur le vestibule ou l’importance de l’escalier extérieur, la vaste demeure se transforme en un lieu complexe, truffé de pièges et de stations d’observation. Mais c’est aussi l’endroit des secrets enfantins (le serpent que Phil dissimule) ou adultes (l’espionnage de Mme Baines, les paroles camouflées). La séquence, magnifique, qui symbolise le mieux tout ce jeu sur le camouflé est la partie de cache-cache nocturne, traitée comme un ballet d’angoisse ouvert à toutes les possibilités.
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La maîtrise de Reed s’affirme constamment dans la gestion de l’espace, intérieur ou extérieur (voir la belle fuite de l’enfant dans les rues aux pavés luisants), ce qui lui permet de représenter par l’image le monde mental d’un garçon perdu, écrasé par des responsabilités qui le dépassent. Sensible, tout en finesse, le portrait qu’il trace de lui ne doit rien à une vision angélique : c’est bien un drame qui se joue, à plusieurs niveaux, et que le titre original exprime bien mieux que sa traduction maladroite.
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Même si l’enquête est expédiée et pas vraiment passionnante, même si Michèle Morgan est un peu fade (mais son personnage ne l’est pas moins), Fallen idol séduit par un travail soigné sur le point de vue qui s’accompagne d’un traitement tout aussi soigné de l’image : le noir et blanc sied parfaitement à ce questionnement sur le mensonge et la vérité comme à la description d’un lieu rongé par l’ombre et le secret. On comprend décidément mal que ce film dense et plus retors qu’il n’y paraît ait subi pareille éclipse. Oubli réparé.
– Prix de la BAFTA 1949 du meilleur film britannique ; Prix Bodil (Danemark) 1950 du meilleur film européen (Bedste europæiske film), pour Carol Reed ; Prix du National Board of Review 1949 du meilleur acteur, pour Ralph Richardson ; Prix du National Board of Review 1949 du meilleur scénario, pour Graham Greene ; Prix du New York Film Critics Circle 1949 du meilleur réalisateur, pour Carol Reed.
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