La lecture d’un nouveau roman de Christian Oster s’apparente à ces retrouvailles annuelles entre camarades de promotion. Si l’on évoque les faits et gestes de chacun depuis le précédent rendez-vous, très vite, la discussion s’engage sur les vieux souvenirs, rabâchés avec toujours autant de tendresse et de drôlerie. Le terrain est balisé et les mots et les manières sont suffisamment récurrents pour témoigner de la complicité entre chacun.
Les habitués de Christian Oster ne seront donc pas surpris par Les rendez-vous, le dernier opus de leur auteur favori. Ils y retrouveront la petite musique toute en sobriété qui fait la marque de fabrique d’Oster et cette même façon de raconter un bout de quotidien à la lueur du monde intérieur d’un homme entre deux âges.

Francis, le narrateur des Rendez-vous, ressemble en effet point par point à ses prédécesseurs tels Franck à la poursuite d’une inconnue Dans le train, Gavarine obsédé par une belle nageuse dans Mon grand appartement, prix Médicis en 1999, ou Jacques désireux de retrouver un certain ordre amoureux avec Une femme de ménage.
Avec une ténacité identique, Francis est en effet un homme porté au quotidien par le besoin d’amour.
Chaque jour, il attend patiemment au café une femme qui l’a quitté. Mais Clémence ne vient jamais. Et pour cause, Francis ne l’a tout simplement pas informée de ces rendez-vous quotidiens de peur de revivre la souffrance de l’absence et subir une nouvelle humiliation.
Mais l’amoureux délaissé va rapidement mettre de côté ses propres tourments pour soutenir son ami Simon dont l’épouse Audrey a abandonné le domicile conjugal. Patient, Francis n’hésite pas ainsi à s’installer chez Simon afin de partager l’épreuve de l’attente à laquelle il est d’ores et déjà rompu. "On l’attendrait ensemble, Audrey. Ca me changerait d’attendre seul ou même, en l’occurrence, avec Simon, Clémence, qui ne viendrait plus jamais". Mais les malentendus s’accumulent jusqu’au jour où revient celle que l’on attendait le moins.

Tout au long de son monologue intérieur, le narrateur tente d’analyser cette suite de rendez-vous manqués et de chassé-croisé amoureux au gré de raisonnements aussi complexes que farfelus. Mais peu à peu le loufoque s’évanouit pour laisser place à une petite boule d’émotion qui grossit au fil des tribulations attendrissantes du héros.
Caractères effleurés en quelques touches à la manière d’une sanguine, succession de phrases ajustées au point de croix... Comme à son habitude, Christian Oster brode une histoire tout à la fois simple et dense à partir de petits riens mis bout à bout. La mécanique de précision n’a pas changé mais reste toujours aussi efficace.