Le 31 janvier 2019
Vive, enlevée, cette comédie racée s’amuse des déboires d’un couple que leurs milieux séparent. Du grand Minnelli.
- Réalisateur : Vincente Minnelli
- Acteurs : Lauren Bacall, Gregory Peck , Chuck Connors, Sam Levene, Tom Helmore, Dolores Gray, Edward Platt , Jesse White
- Genre : Comédie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 5 septembre 2024 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Box-office : 492 239 entrées France / 197 741 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Designing Woman
- Date de sortie : 22 novembre 1957
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Résumé : Un journaliste sportif écrit une série d’articles compromettant le milieu de la boxe. Menacé, il est obligé de s’enfuir. La mafia décide alors de kidnapper sa femme.
Critique : Voir ou revoir La femme modèle aujourd’hui, c’est se replonger dans un surgeon légèrement tardif de la comédie sophistiquée américaine : on y retrouve l’image de la haute société, les dialogues brillants, les péripéties sentimentales et, surtout, le tempo impeccable qui rend le film allègre et le transforme en concentré de plaisir. D’autant que l’interprétation de Gregory Peck et Lauren Bacall tient de la virtuosité, révélant un tempérament comique sans doute pas assez utilisé dans leurs filmographies respectives. Il n’y a pourtant rien de novateur dans l’intrigue : Mike, chroniqueur sportif, rencontre Marilla, qui travaille dans le mode ; ils se marient rapidement, se rendent compte qu’ils sont très différents et l’histoire se complique avec deux éléments perturbateurs secondaires : la jalousie de Marilla envers une ancienne conquête, Lori, et la menace d’un baron de la boxe sur lequel Mike a écrit des articles incendiaires.
Mais dès le début, Minnelli et son scénariste oscarisé George Wells dynamitent les clichés par des inventions permanentes : ainsi de la progression de leur idylle, qui avance par prétérition ; si Marilla dit qu’elle ne peut pas partir en voilier, le plan suivant les montre à bord ; si Mike parle de dépenser très vite l’argent qu’ils ont en commun, une réplique précise qu’il n’en a rien été. Tout fonctionne par ellipses, à l’image de leur coup de foudre. La vraie originalité, cependant, survient après le générique, quand chaque personnage se présente : leurs voix agiront ensuite comme un commentaire décalé, parfois hilarant.
C’est que Minnelli révèle un talent certain pour le gag ; l’un des plus célèbres montre Lori renversant des raviolis sur le pantalon de Mike lorsqu’il lui annonce qu’il la quitte. Le geste ne serait rien sans le rythme singulier : au lieu de couper après cette basse vengeance, drôle en soi par la froideur avec laquelle elle est effectuée, le cinéaste prolonge la gêne, joue sur l’absence de réaction des protagonistes et leurs regards. Ailleurs, c’est un personnage qui à lui seul constitue un gag, le boxeur rendu abruti par ses combats. Variété de l’humour, élégance des comportements, tout cela donne au film un charme ineffable qui est le propre de la comédie américaine dans ce qu’elle a de meilleur. Minnelli sait faire de détails des éléments structurants (la chaussure trouée) ou surprenants (le boxeur qui dort les yeux ouverts), il sait aussi utiliser le cinémascope pour signifier une pièce encombrée, jouer du montage ou de travellings soyeux, toujours au service de son histoire qu’il prend au sérieux, même si l’esprit de dérision s’attaque à une haute société mondaine et superficielle.
Si le film est constamment amusant, il ne se départ pas d’une teinte plus sombre : la boxe et son milieu interlope, la différence de classe sociale et la jalousie auraient pu être des thèmes dramatiques, et le scénario repose sur une angoisse source de nombreux polars. En effet tout repose sur une énigme initiale : on ne connaît jamais vraiment son partenaire. Certes, Minnelli en fait une bulle de champagne aérienne, mais sa vision du couple n’a rien de serein ni d’idyllique : Marilla confesse à la fin qu’ils ne se disputent plus, ou alors pas plus d’une semaine. Voilà pour le conte de fées …
On peut également voir en la femme modèle une sorte de chant du cygne d’un certain cinéma, la fin d’une élégance, la fin du spectacle coloré. Malgré sa foi intacte, qu’il prouve en faisant du chorégraphe le vrai triomphateur de la bagarre avec les gangsters (la comédie musicale l’emporte encore), Minnelli sait que les temps changent et que, derrière la légèreté brandie comme un voile pudique, l’époque bénie où il pouvait réinventer un monde artificiel à sa mesure brille de ses derniers feux. Alors il en profite. Il lui reste vingt ans pour mettre en scène quelques mélodrames superbes, puis se perdre dans des œuvres mineures ; La femme modèle n’en est que plus précieux.
- © MGM/Metro-Goldwyn-Meyer. Tous droits réservés.
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