Les petites perles au fond de l’eau - la critique + test DVD

Comme prémisse du printemps de Prague, cinq cinéastes signent un manifeste poétique et inspiré, profondément libérateur et empreint d’un humour en demi-teinte, qui pose un regard bienveillant sur les petits faits et gestes de l’humain.

L’argument : Adaptation d’un recueil de nouvelles de Bohumir Hrabal, qui est l’auteur préféré des cinéastes tchèques de cette période, immense écrivain moderne aux textes duquel ils s’identifient pleinement. Le film part d’une conception créative de l’adaptation littéraire, et non pas illustrative. La petite perle au fond... est la petite part de Dieu présente en chaque être humain, selon Hrabal.

Notre avis : Tchécoslovaquie, milieu des années 1960. A l’Est du rideau de fer, quoi de nouveau ? En matière politique, des frémissements, des rêves de liberté, mais qui resteront à ce seul état de désir, sous la chape de Moscou. Quant à la culture, pourquoi en serait-il autrement ? En réalité, il faut se détromper. Les bouleversements formels et artistiques que connaissent au même moment les pays occidentaux travaillent de façon similaire l’esprit des cinéastes montants de l’Est, et c’est ce que démontre cet admirable film-manifeste de la Nouvelle Vague tchèque. Signé de cinq auteurs qui représentent autant de pattes stylistiques singulières, il brasse une matière commune, à la fois sociale et psychologique, qui dans tous les cas campe une position d’écoute attentive de l’humain. Loin d’un réalisme socialiste taillant à grands coups dans le marbre, ces contes n’hésitent pas à observer le commun des mortels dans ce que la vie peut avoir de bassement banal, de mesquin, mais aussi dans ces petits moments de joie discrète qu’elle recèle indéniablement. C’est toute la force de ces courts-métrages, qui malgré leur hétérogénéité circulent tous autour d’un axe semblable : ne jamais pousser la satire jusqu’à l’outrance, et surtout jusqu’au point où elle pourrait basculer dans la méchanceté.
Malgré cela, Les petites perles au fond de l’eau gardent leur statut de film « engagé », au sens moins directement politique qu’artistique et intellectuel : adaptée des textes d’un écrivain tchèque moderne, Bohumil Hrabal, cette passerelle entre cinéma et littérature refuse les conventions et les normes qui dicteraient les règles du goût en art. La mort de Mr Baltazar, qui ouvre le film, est par exemple une pièce elliptique et énigmatique, faisant s’entrecroiser sur la bande sonore des voix qui ne semblent pas se rencontrer dans la réalité. Récit ramassé sur une sorte de non-événement provincial - une course de moto qui rassemble des amateurs passionnés dans une partie forestière improvisée -, il devient le prétexte à plusieurs réminiscences de vies personnelles, presque énoncées sur le ton du monologue. A l’inverse, Romance, de l’excellent Jaromil Jires, dessine une variation autour de la relation possible qui peut se tisser entre deux êtres. Aucune des démarches qu’esquissent les réalisateurs (en une quinzaine de minutes chacun) n’a davantage de « légitimité » qu’une autre ; d’où également l’intérêt de ce collier de perles, qui ne prétend pas édicter dogmatiquement des vérités opposées à ses adversaires. S’il n’y a pas de leçon morale à retirer du film, du moins peut-on y déceler une revendication « éthique », à savoir que l’image n’est pas nécessairement un forçage des esprits (comme le professait Eisenstein qui souhaitait enfoncer le crâne de ses spectateurs à coups de marteau cinématographique), elle est aussi une invitation à observer différemment le monde, et par là même à le juger avec toute l’indulgence que la faiblesse humaine mérite.

Le DVD

Une édition qui permet de découvrir le film, mais dont on aurait aimé qu’elle soit un peu plus fournie, une fois notre curiosité excitée...

Les suppléments

Un livret assez intéressant composé d’analyses sur le climat politique et culturel en Tchécoslovaquie durant les années 1960, et donnant un aperçu du travail de chacun des cinéastes du film. En revanche, pas de bonus audiovisuels, ce qui est un peu dommage étant donné la richesse du sujet (ne serait-ce que le contexte historique...).

Image

Un certain nombre de parties sombres ou curieusement éclairées, dont pâtit quelquefois cette version remasterisée.

Son

Quelques grésillements ou frottements, surtout sur les voix, viennent gêner un peu l’écoute sur la durée du film.