Illusions perdues
Le 26 mai 2024
Le premier long métrage d’Evald Schorm, un des représentants majeurs de la Nouvelle Vague tchèque. Un beau film au lyrisme désabusé un peu écrasé par sa splendeur formelle.
- Réalisateur : Evald Schorm
- Acteurs : Vlastimil Brodský, Jana Brejchová, Jan Kačer, Josef Abrhám, Jiřina Jirásková, Olga Scheinpflugová
- Genre : Drame
- Nationalité : Tchèque
- Editeur vidéo : Malavida
- Durée : 1h27mn
- Titre original : Každý den odvahu
- Date de sortie : 9 novembre 1966
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– Année de production : 1964
Résumé : Jaroslav Lukas, un jeune ouvrier, travaille dans une grande usine de constructions mécaniques. Quelques années auparavant, il est devenu rapidement et facilement un militant politique influent. Après le congrès qui dénonce le culte de la personnalité, il ne sait plus où il en est et perd ses repères politiques et privés. Son amour pour Vera, une jeune décoratrice, s’en ressent...
Critique : Moins connu hors de son pays que Věra Chytilová, Miloš Forman, Jiří Menzel ou Ivan Passer, Evald Schorm (1931-1988) est pourtant l’une des personnalités marquantes de la Nouvelle Vague tchèque et Každý den odvahu, son premier long-métrage, réalisé en 1964, ne passa pas inaperçu : Prix de la critique tchécoslovaque, Léopard d’or à Locarno en 1966, sortie en France (le 9 novembre 1966).
Ce film, qu’on a rapproché à l’époque du Prima della rivoluzzione de Bertolucci, a pour thème la désillusion. Son protagoniste, un militant communiste trentenaire incarné par le solide Jan Kačer, voit les idéaux qu’il a défendu pendant des années oubliés, voire tournés en dérision par une société où règnent la compromission, l’ennui et la médiocrité.
Se sentant désarmé face à cette évolution, il peine à trouver le courage pour chaque jour nécessaire pour se battre avec les autres et avec soi-même (définition de la vie selon Schorm) et en vient même pathétiquement à faire usage de ses poings pour se défouler. J’en ai assez qu’on me prenne pour un bouffon, se justifie-t-il auprès de la jeune femme (Jana Brejchová) qu’il aime mais qui le comprend de moins en moins, après avoir roué de coups le piètre magicien auquel, bonne poire, il avait servi d’assistant lors d’un désolant spectacle de patronage (ou plutôt de Maison du Peuple).
La séquence, assez longue, consacrée à cette fête bien lamentable, est le clou d’un film qui décrit la Tchécoslovaquie des années 60 sous un aspect peu amène : désœuvrement, consumérisme, beuveries, chamailleries sordides, comme les querelles incessantes entre la logeuse et son mari, retraité tout fier de pouvoir exhiber la machine à peler les pommes de terre qu’il a inventée autrefois ; querelles qui s’achèvent de manière à la fois tragique et grotesque lorsque l’homme est terrassé par une crise cardiaque après avoir tué un des chats de sa femme.
La mise en scène de Schorm, au lyrisme affirmé, voire appuyé, et la beauté de la photo très contrastée de Jan Curík, visent à faire ressortir par contraste le dérisoire des situations. Mais le film est comme engoncé dans un pathos un peu contrit qu’il cherche en vain à déjouer (et à exacerber) par un parti pris de légèreté désabusée.
La voix off quelque peu grandiloquente du début et de la fin, les personnages enfermés dans un rôle préétabli (la jeune femme, mauvaise conscience du héros, l’étudiant narquois et provocateur qui meurt bêtement en descendant un escalier à moto), le brio formel un peu exténuant : tout paraît trop concerté et il manque à Každý den odvahu les trous d’air qui donnerait à ce fort beau film la respiration des grandes œuvres.
Le DVD
Le premier long métrage d’Evald Schorm prend la place qui lui revient dans la passionnante collection tchèque de Malavida où figurait déjà le court-métrage Dům radosti - La maison de la joie, contribution au film à sketches Petites perles au fond de l’eau.
Les suppléments
Pas de suppléments audiovisuels mais un livret de 24 pages, non fourni pour ce test, contenant des interviews du cinéaste.
Image
La copie est vraiment belle et permet d’apprécier dans toute sa splendeur la photo noir et blanc très contrastée de Jan Curík. On pourra juste observer que certains passages sont excessivement sombres. L’image est légèrement granuleuse mais la définition est plus que correcte et ne présente pas de problèmes de stabilité.
Son
La piste son mono est de qualité tout à fait correcte, un peu saturée par moments mais sans souffle notable.
– Sortie en Tchécoslovaquie : 1964
– Grand Prix Festival de Locarno 1966
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