Rire rouge
Le 2 novembre 2009
Humour, mesquinerie et mélancolie dans la Tchécoslovaquie communiste. Un joyau de liberté de ton pour une cinématographie méconnue, qui dévoile une exploration féconde du cinéma de la subjectivité à l’Est.
- Réalisateur : Jaromil Jires
- Acteurs : Josef Somr, Jana Ditetova, Ludek Munzar
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Tchèque
- Editeur vidéo : Malavida
- Plus d'informations : Le site du film
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– Durée : 1h23mn
– Titre original : Zert
Humour, mesquinerie et mélancolie dans la Tchécoslovaquie communiste. Un joyau de liberté de ton pour une cinématographie méconnue, qui dévoile une exploration féconde du cinéma de la subjectivité à l’Est.
L’argument : Ludvik Jahn, responsable d’un service hospitalier, découvre qu’Helena, une journaliste radio, est l’épouse d’un ancien camarade d’études, Pavel, responsable de son exclusion de l’Université et des jeunesses communistes. Pour une plaisanterie anodine, il est incorporé dans un bataillon militaire 2 ans et demi, écope d’un an de prison disciplinaire et de 3 ans dans les mines. 15 ans après, l’occasion est trop belle de se venger...
Notre avis : « On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde » ; et surtout pas n’importe où, aurait-on envie d’ajouter au fameux mot de Pierre Desproges, après avoir vu La plaisanterie. Parce qu’il s’est aventuré sur le territoire dangereux de l’ironie et de la satire, et a osé une phrase un peu trop déplacée sur une carte postale, Ludwik voit se retourner contre lui un système politique qui n’a rien d’un monstre froid, mais qui est tristement incarné par des hommes dont le plaisantin pensait qu’ils étaient ses camarades et amis. Le film, qui décrit la petite vengeance personnelle, presque mesquine, que met en place l’ancien moqueur, parcourt constamment et sans discontinuités passé et présent, faisant du souvenir une réalité à part entière, qui s’insère à tout moment dans le vécu quotidien pour s’imposer avec une force inentamée. Ces sautes temporelles sont bien sûr chargées de mélancolie et d’amertume, dès lors que l’on mesure l’absurdité et la disproportion des conséquences que peut entraîner, dans une société cadenassée par des apparatchiks acharnés, un acte de micro-résistance intellectuelle en forme de boutade. Mais l’effet joue également comme un aiguillon sur notre sensibilité de spectateurs : la voix-off, les nombreux regards à la caméra, acquièrent une puissance d’expression qui dépasse la simple figure de style. Par la mise en question et le renouveau de la grammaire cinématographique, Jaromil Jires explore sa propre définition d’un cinéma de la subjectivité, dont la portée est pourtant tout autant militante qu’universelle.
Car c’est là que réside toute l’ampleur d’un film économe en formules grandiloquentes : le propos politique se forge moins dans les discours abstraits que sur les visages derrière lesquels se profilent autant de drames humains. Les flash-backs suffisent à créer un lien d’empathie fort avec des personnages dont on retiendra souvent les expressions et le regard plutôt que les noms. La finesse de la mise en scène épouse l’apparente « simplicité » du scénario co-signé par le romancier Milan Kundera, le script foisonnant en réalité de trouvailles narratives et d’un ton ironique à la hauteur de celui dont fait montre son personnage principal. Si ce regard souvent désabusé réussit à ne pas aller jusqu’à la cruauté, c’est que la peinture aigre-douce qu’il donne de la société tchécoslovaque n’est pas dépourvu d’une tendresse surprenante, qui interdit de dresser des listes à charge de coupables, nommant clairement des « ennemis de la liberté » symétriquement aux « ennemis du Parti ». Jires restitue toute la complexité des fils enchevêtrés de l’embrigadement soviétique et du folklore, des passions politiques et amoureuses subites, au sein d’une jeunesse qui au moment de l’intrigue est déjà une génération d’adultes fanés, se résignant à s’accommoder avec les bassesses de l’Histoire plutôt que de changer le monde. La plaisanterie, tourné à la même époque que les événements de Prague qui ont électrifié - au moins pour un temps - la Tchécoslovaquie en 1968, reste avant tout un formidable appel à ne pas se taire.
Le DVD
Une version remastérisée appréciable, qui permet de profiter du film avec plaisir, mais aurait encore pu être enrichie sur le plan documentaire.
Les suppléments
On le comprend, l’éditeur a privilégié le master restauré sur les bonus audiovisuels ; toutefois, on regrette un peu leur absence totale, d’autant plus qu’il s’agit d’une cinématographie assez peu étudiée en France. Le livret est en revanche soigné quoiqu’un peu court, avec plusieurs interviews (à des époques différentes) du réalisateur, un aperçu des problématiques du cinéma tchèque et la présentation du film par un critique.
Image
Hormis quelques défauts subsistant apparemment sur la pellicule, le rendu du master est très satisfaisant et permet d’apprécier pleinement le film, dans un noir et blanc parfaitement équilibré qui rend tout son honneur à la photographie originale.
Son
Malgré un mixage dans l’ensemble correct, encore beaucoup de grésillements dans les voix et de musiques qui frisent, d’autant que celles-ci sont plutôt présentes et fortes.
Galerie Photos
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