Le 22 février 2020
Le premier livre de Jean Ray démontre déjà son savoir-faire. Mais l’ensemble est gâché par des obsessions antisémites, qui construisent une image récurrente et fictionnelle du juif.
- Auteur : Jean Ray
- Editeur : Espace Nord
- Genre : Nouvelles
- Nationalité : Belge
- Date de sortie : 28 novembre 2019
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Résumé : Histoires noires et diaboliques, histoires de crime et d’horreur, histoires écrites avec de l’iode et de l’alcool, avec du sel et des larmes, avec du soufre et du sang. Histoires incomparables. Voilà le premier livre de Jean Ray. Les premières lueurs de son extraordinaire univers fantastique y brillent déjà d’un éclat saisissant — et ce n’est pas pour rien peut-être que la critique, en découvrant ce recueil en 1925, a aussitôt rapproché Jean Ray d’Edgar Allan Poe. Depuis, plus personne n’a mis en doute cette comparaison...
Notre avis : Premier recueil de nouvelles, Les Contes du whisky lance la carrière littéraire de Jean Ray, un des maîtres du fantastique contemporain. Ici, l’auteur propose seize histoires, puis onze contes intitulés « Et quelques histoires dans le brouillard ».
L’univers effrayant s’enracine de manière attendue dans des ambiances réalistes, fondées sur l’association de situations banales et d’une galerie de personnages issus d’un monde populaire, souvent des marins, qui ne s’embarrassent pas de tergiversations pour conter leur quotidien d’une grande âpreté. Leurs discussions nous donnent l’impression d’assister à des logiques pragmatiques, parfois frustes, parfois dénuées de tout bon sens, même si le goût insatiable des protagonistes pour l’argent, la possession, le pouvoir constitue un invariant tangible. Ces notions leur sont d’autant plus essentielles que leur quotidien prodigue un bon lot de frustrations.
Les références aux grands auteurs fantastiques (Poe et Gogol, en particulier) rendent prévisibles les intentions de l’auteur. Avec l’écrivain russe, Jean Ray tente même une analogie, se fondant sur la célèbre nouvelle "Le manteau" pour développer une semblable histoire à travers "Le tableau" : dans les deux cas, l’image du spectre vengeur hante le monde des vivants et finit par détruire celui qui lui avait dérobé l’essence de sa vie.
Tantôt longues de plusieurs pages, tantôt très courtes, les histoires de Jean Ray semblent à la fois servir un propos articulé, littéraire et conforme à une orthodoxie du fantastique. Mais trop souvent, elles constituent des prétextes : par le biais de ses personnages, l’auteur délivre son point de vue sur la marche du monde, avec des obsessions antisémites qui essaiment dans plusieurs nouvelles, prennent pour cible la figure coupable du juif, objet des malheurs subis par les protagonistes (quelques extraits sont édifiants : "comme ce diable de bateau appartenait à Aaron Stachelbiene, un juif, nous avions l’âme et la conscience au repos », « la juive d’Hambourg qui marmottait une longue prière en une chienne de langue hébraïque, en s’abandonnant à nos frustes désirs »)
Le jeune Ray est bien sûr un écrivain qui a très bien intégré les codes de la nouvelle fantastique et qui sait fournir, rapidement, au lecteur un visuel de la situation de ces personnages. Mais le propos personnel de l’auteur concurrence l’imaginaire de la fiction, au profit d’une idéologie pleine d’amertume et de défiance envers l’autre… son contemporain.
Les contes du whisky - Jean Ray
253 pages - Poche
Editeur : Espace Nord
Postface de Joseph Duhamel et Jacques Carion
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