Duel - La chronique BD

Quand deux hussards de l’armée impériale se font face dans un duel, il y a plus que l’honneur en jeu. Le Gascon sanguin et roturier fait face au noble et froid Picard, tous deux ont des qualités de duellistes aussi opposées qu’égales. Jamais achevé, ce combat va se poursuivre avec les années et les campagnes, chacun devant égaler l’autre en grade, grâce à sa bravoure ou son habileté, pour avancer en grade et en grâce auprès de Napoléon, figure aussi centrale que discrète. Ce choc des Titans ira jusqu’à la Restauration, et pourquoi pas au-delà. En adaptant une nouvelle de Joseph Conrad, Renaud Farace se lance dans une production qui sera aussi aventureuse qu’ambitieuse.

Aventureuse, car l’auteur avait l’habitude de récit emballant, épique mais réaliste. Ambitieux car retranscrire quelques deux cents pages, donner vie à deux hommes mais aussi tout une époque, c’est un sacré challenge pour un auteur. Le résultat est à la hauteur du défi, puisque du début à la fin le lecteur est happé par une histoire vigoureuse, qui respire la thématique héroïque mêlée aux rivalités entre les classes sociales, avec un œil sur les conquêtes napoléoniennes. Entremêler le destin d’un empire et celui de deux lieutenants qui finiront généraux, le pari était osé, mais les détails font que l’on y croit. Le souci historique est très prenant, très pertinent, donnant une essence à l’œuvre entière. Les costumes, les décors, les armes apparaissent parfaitement reproduits, les batailles sonnent vraies, malgré la ferveur des deux héros.

© Casterman

Si le scénario était déjà pré-écrit par un auteur chevronné du XIXème, il fallait en revanche s’occuper du dessin, où tout était à faire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la patte de Renaud Farace se fait sentir, et ce dès les premières pages. Le noir sur le blanc, quelques pages rouges qui rappellent la couverture et le thème de ce livre, des petits traits précis et fins, un style qui accroche autant, voire davantage, que l’intrigue. Rappelant le style d’un Sempé, le trait détache complètement les deux personnages, mais donne des pages étrangement différentes. L’ensemble qui se dégage est incroyablement sensible et vif, comme les passes d’armes des deux protagonistes.

© Casterman

Œuvre assez inclassable, Duel n’a pas la tension de Spielberg mais ce premier opus annonce peut-être une carrière aussi prestigieuse pour l’auteur de BD que celle du réalisateur américain. Car il n’y a pas que des promesses, mais bien des prestations présentes, aussi bien visuelles que scénaristiques, et une efficacité qui dépasse les espérances.