Noire . La vie méconnue de Claudette Colvin - La chronique BD

Bienvenue dans l’Alabama… qui n’a rien de "sweet" comme le scande la chanson.
Un état qui a bien du mal à évoluer vers la seconde moitié de son vingtième siècle et dont les lois ségrégationnistes sont encore en vigueur dans le nouveau récit d’Émilie Plateau.

L’auteure s’est inspirée de l’ouvrage de Tania de Montaigne Noire (Grasset 2015/ Prix Simone-Veil 2015) et s’est attaquée là, à un grand pan de l’histoire américaine.
Elle va par là même démontrer combien les circonstances d’une vie peuvent marquer à jamais un destin de femme et l’effacer des grandes pages de l’Histoire.

L’ouvrage expose les grandes lignes de la ségrégation que nous connaissons déjà tous : le White Citizen’s Council, le Klu Klux Klan, les pancartes de laveries réservées aux blancs (qui eux nettoient à grands coups de pendaisons), ou les pharmacies dont l’entrée pour gens de couleur est carrément inexistante, en ces temps-là c’était plutôt Desunited colors of USA.

Emilie Plateau / Dargaud

Sur des mots en forme d’hypnose, Émilie Plateau démarre judicieusement son récit avec des tonalités de bruns, ocres, jaunes, noir et blanc. Les couleurs de l’ouvrage s’accordent évidement avec le thème.
Pas de demi-mesure comme dans le monde dans lequel ses protagonistes évoluent.
Pas de dégradés. Les couleurs trouvent leurs limites dans le noir et le blanc.
Nous voici dans la peau d’une noire.

La vie de Claudette Colvin (née en 1939 aux États-Unis, où elle vit encore actuellement) est poignante, touchante et révoltante. Comment ce deux mars 1955 une adolescente noire a-t-elle eu le courage d’aller seule à l’encontre d’une loi qui oblige les noirs à laisser leur place dans les transports en commun ?
Claudette en refusant de se lever dans le bus qui la ramenait de l’école, sera violemment embarquée par la police et menée devant un tribunal.

Emilie Plateau / Dargaud

Les prémices de la défense des droits des gens de couleur aux États-Unis sont en marche !
A l’époque, Rosa Park alors secrétaire de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) collecte l’argent pour payer l’avocat de Claudette Colvin.
Rosa fera elle aussi sont sitting dans un car en décembre de la même année précédée par Mary Louise Smith en octobre.
Le boycott des bus est lancé. En plus d’utiliser leurs têtes, les personnes de couleurs firent de même avec leurs pieds en ne se servant plus des sociétés de transport.
Martin Luther King devient leader du mouvement et une fois la bataille gagnée, toute présence féminine ayant servi à l’abolition des lois ségrégationnistes sera judicieusement effacée.
De quoi redorer le blason de la solidarité féminine et saluer la persévérance de ces femmes américaines au grand cœur qui auront sacrifié leur vie et leur image pour le bien de tous les hommes.

L’ouvrage a ceci d’original de traiter du genre et de la couleur de peau.
Toujours le même constat : mieux vaut être un homme blanc qu’une femme … et encore moins une femme noire.

Il faut aussi s’attarder sur les repères biographiques et historiques, situés en annexe, consacrés aux différents mouvements politiques de l’époque et aux personnages clés à connaitre absolument, pour mieux saisir les enjeux de ces révoltes civiques, ressentir le climat d’oppression, le racisme ordinaire et la discrimination qui régnaient à l’époque.