Nouvelles, textes courts
Le 10 décembre 2002
Six nouvelles, petites merveilles de cruauté, de cynisme et de désespoir.
- Auteur : Kjell Askildsen
- Editeur : Le serpent à plumes
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Kjell Askildsen a vraiment tout d’un grand nouvelliste. Les six textes composant Les chiens de Thessalonique sont des petites merveilles de cruauté, de cynisme et de désespoir.
Incontestablement, il y a du Carver chez Askildsen. Même esprit de concision et d’observation malsaine. Même façon de ciseler le texte, de dégrossir pour parvenir à l’épure absolue. Même type de personnages, hommes et femmes lassés par un quotidien insipide mais qui se forcent à se regarder en face et à entretenir l’illusion de sentiments disparus. Les six nouvelles de cet ouvrage racontent toutes l’impossibilité de communiquer, la lassitude et le besoin d’être ailleurs.
Les couples décrits par Askildsen semblent avoir épuisé tous les sujets de conversation. Les dialogues échangés reposent sur les non-dits et un passé que l’on devine. En fin de soirée, lorsque l’un part se coucher, l’autre préfère attendre en avalant quelques verres de vin et en fumant une cigarette. Le lendemain, pas de règlement de comptes ni de cris, mais simplement une nouvelle journée qui commence et se terminera comme la précédente. Chacun fait comme si de rien n’était. Qu’ils soient frères et soeurs, maris et femmes, les personnages paraissent interchangeables. Les mêmes questions amènent toujours les mêmes réponses. Face à une existence qui ne possède rien de très réjouissant, confrontés à une monotonie abrutissante, ils préfèrent le silence entendu aux évidences. On mène sa barque sans se soucier de l’autre. Le quotidien comme un éternel recommencement, encore et toujours.
Les personnages sont transparents, "invisibles" pour les autres. Chacun préfère ruminer dans son coin plutôt que d’affronter une vérité qui blesse. Tous les moyens sont bons pour échapper au contact. Alors, sans prévenir, on part acheter un paquet de cigarettes ou prendre un verre dans un café, en espérant que l’autre s’inquiète de cette courte disparition. Ou, à la façon de Jakob dans La sauterelle, le mari se délecte en épiant sa femme, guettant le moment où la peur et l’angoisse prendront le dessus sur la lucidité. Cruel, vous avez dit cruel ?
Au fond, leur bien-être ne tient à pas grand chose. L’environnement et le décor jouent le rôle apaisant que l’autre ne parvient plus à remplir. La sérénité des sentiments est supplantée par celle émanant de l’observation d’un coucher de soleil, d’un paysage ou d’un fjord. S’ils sont deux à évoquer la météo, c’est qu’un orage ne va pas tarder à éclater.
Ecrivain norvégien âgé de 73 ans, Kjell Askildsen a été couronné par le Nordic Council Prize for Literature en 1992. Son premier ouvrage a été publié en 1953. Aujourd’hui, sa bibliographie ne compte pas moins de six romans et sept recueils de nouvelles. On se demande pourquoi Les chiens de Thessalonique n’est que le second ouvrage d’Askildsen à être traduit en français [1]. Si les romans sont de la même trempe, le lecteur aurait tout à y gagner.
Kjell Askildsen, Les chiens de Thessalonique), (Hundene i Tessaloniki, traduit du norvégien par Eric Eydoux et Nathalie Issard), Le serpent à plumes, 2002, 123 pages, 14 €
[1] Après un premier recueil de nouvelles intitulé Les dernières notes de Thomas F., Le serpent à plumes, 2001
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