Le 17 septembre 2024
Inspiré de ce qui aurait dû être une révolution et la chute du régime iranien avec le mouvement Femme, Vie, Liberté, ce thriller politique et familial élève Mohammad Rasoulof au rang des plus immenses réalisateurs de ce début du siècle. Un coup de poing absolu de cinéma.
- Réalisateur : Mohammad Rasoulof
- Acteurs : Soheila Golestani, Setareh Maleki, Missagh Zareh, Mahsa Rostami
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 2h48mn
- Titre original : The Seed of the Sacred Fig
- Date de sortie : 18 septembre 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, En compétition
– Cannes 2024 : Prix spécial, Prix FIPRESCI, Prix œcuménique, Prix des Cinémas Art et Essai
Résumé : Dans un Téhéran secoué par des troubles politiques et sociaux. Le juge d’instruction Iman découvre que son arme a disparu. il soupçonne sa femme et ses filles, imposant des mesures draconiennes qui mettent à rude épreuve les liens familiaux.
- © Festival de Cannes 2024. Tous droits réservés.
Critique : Si l’on pense maintenant au brillant film de Justine Triet Anatomie d’une chute, on se dit finalement qu’en comparaison avec le long-métrage de Rasoulof, la palme d’or 2023 était bien tiède. Les Graines du figuier sauvage annonce enfin le retour du réalisateur de l’immense Le Diable n’existe pas. Après des années d’emprisonnement, il signe là un thriller sans concession, tant dans la forme narrative que dans la dénonciation des méthodes employées par le régime des Mollah en matière de persécution de ses populations jeunes. Le récit s’inscrit dans les révoltes Femme, Vie, Liberté, parties du massacre d’une jeune femme par la police parce qu’elle avait refusé de porter le voile. Iman, le père de famille, vient d’être promu au poste d’enquêteur, avec une grande chance de devenir juge s’il se conduit de manière irréprochable. Chez les Iraniens, "de manière irréprochable" veut dire accepter les yeux fermés les injonctions de l’État et faire condamner à mort des opposants politiques, même juste étudiants. L’homme tente de se révolter de ces méthodes mais, malgré lui, la mécanique de sa transformation est en marche.
- © 2024 Run Way Pictures, Parallel45. Tous droits réservés.
Les Graines du figuier sauvage est un film brillant, magistralement mené, dans une tension dont peu de réalisateurs sont capables. Voilà un artiste, Mohammad Rasoulof, qui non seulement n’a pas froid aux yeux, mais a surtout une parole profonde à crier au monde entier. Les méthodes d’investigation par les autorités judiciaires et la police à la botte de cet État sanguinaire, la pression psychologique et physique que les agents publics chargés de la sécurisation du régime mettent en place sont restituées dans une fiction qui s’apparente au thriller. On assiste en effet au tiraillement de ce juge d’instruction entre ses convictions personnelles, son ambition et les pressions exercées par sa hiérarchie. Sa femme est occupée toute la journée à protéger son mari, au point de brimer ses propres filles entraînées malgré elles dans ce mouvement immense de révolte de la jeunesse iranienne.
Rarement on n’aura vu un film qui génère autant de tensions chez son spectateur. Pourtant, la plupart des scènes montrent la vie de famille quotidienne, ponctuée par les révoltes estudiantines, avant que, peu à peu, la mécanique sombre du régime s’immisce au domicile. Le scénario est superbement efficace, avec cette montée en charge progressive et surtout ce débat éthique permanent comme cela avait le cas dans Le Diable n’existe pas. Mohammad Rasoulof, malgré tous les risques qu’il encourt, ne renonce pas à dénoncer la peine de mort, la brutalité et la perversité d’un régime religieux et politique, grâce au personnage controversé d’Iman qui renferme et met en œuvre toutes les méthodes employées par le gouvernement.
- © 2024 Run Way Pictures, Parallel45. Tous droits réservés.
L’une des forces importantes du film demeure l’intégration d’images saisies sur des portables qui permettent aux spectateurs de savoir ce qui s’est passé en réalité pendant les mouvements Femme, Vie, Liberté. L’horreur est sans limite avec ces jeunes battus à même la rue ou tués comme des animaux. Mohammad Rasoulof ose même mettre en scène une jeune étudiante qui, après avoir été défigurée par la police, quitte le domicile des ses amies avec un voile entaché de sang. Le réalisateur met en scène le voile de la mort, au point d’ailleurs qu’il filme ses comédiennes avec le visage et les cheveux découverts. On imagine du fauteuil confortable du cinéma combien ce choix demeure dangereux pour la sécurité de ses interprètes et lui-même.
Par certains aspects, Les Graines du figuier sauvage fait penser à Shining de Stanley Kubrick. Toute comparaison n’ayant de vertu que relative, le film déroule avec un génie incroyable la métamorphose d’un homme bon en un complice d’un régime dictatorial. Cela n’empêche pas le réalisateur d’offrir, sur la dernière partie de son film, une photographe irréprochable qui montre un Iran de toute beauté. C’est là le talent véritable de Mohammad Rasoulof, à savoir raconter le pire dans un univers feutré, miraculeux de féérie.
Les Graines du figuier sauvage apparaît comme LE film de cette sélection cannoise 2024. C’est une œuvre dense, avec certaines séquences dures mais nécessaires pour appréhender la réalité d’un régime inhumain et cruel qui n’a de cesse de minimiser ses comportements ou transmettre par les médias de fausses vérités. On ressort sans voix de cette projection, à la limite avec un sentiment de maltraitance, mais tellement relatif avec ce que subissent les opposants à ce régime, et sans doute Rasoulof lui-même.
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