Le 3 mai 2024
Cette dénonciation implacable de la corruption est une œuvre majeure du cinéma iranien. Du grand art.
- Réalisateur : Mohammad Rasoulof
- Acteurs : Reza Akhlaghirad, Soudabeh Beizaee, Missagh Zareh
- Genre : Drame
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h58mn
- Titre original : Lerd
- Date de sortie : 6 décembre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce. Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains ?
Critique : Un homme intègre est le septième long métrage de Mohammad Rasoulof, dont on avait apprécié Au revoir, récit des déboires d’une jeune avocate privée d’activité professionnelle, et qui avait été décrié par le pouvoir iranien. Ce dernier opus est de la même veine, et le cinéaste a dû également subir des pressions. Interpellé en octobre à l’aéroport de Téhéran, Rasoulof s’est vu confisquer son passeport et est passible de six années de prison pour « activités contre la sécurité nationale » et « propagande contre le régime iranien ». Rasoulof avait déjà été arrêté avec Jafar Panahi pour « actes hostiles à la République Islamique d’Iran ». Avec Un homme intègre, le réalisateur est plus qu’explicite dans sa dénonciation de la corruption. Un système mafieux lie en réseau des compagnies privées, des banques, et des fonctionnaires, à commencer par les autorités de justice et de police, jusqu’à des ramifications dans le système éducatif.
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La force du récit est d’abord de confronter cette gangrène aux valeurs morales d’un homme prêt à tout pour agir conformément à ses idéaux, mais impuissant face à l’étau qui se resserre : ni le harcèlement des financiers, ni l’intimidation du voisinage, ni les agissements des adeptes des pots-de-vin ne semblent le décourager, mais il a conscience du rapport de force inégal. L’autre atout de la narration est d’assembler les éléments d’un puzzle, l’injustice dont est victime Reza se situant à plusieurs niveaux, ce que découvre le spectateur en même temps que le protagoniste ; et le complot dont on comprend progressivement les enjeux révèle une logique indéniable, tout autant qu’une absurdité kafkaïenne : Rasoulof est ici proche d’un certain cinéma des années 70, quand Francesco Rosi abordait le péril mafieux dans Cadavres exquis. Pourtant, à l’instar de ce cinéaste, le réalisateur iranien ne cède pas à la tentation d’une démarche lourdement démonstrative.
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Un homme intègre dépasse son statut de film dénonciateur pour s’inscrire dans un projet esthétique ambitieux : les ellipses, certains plans récurrents (l’eau comme instrument de purification des corps mais aussi des consciences), ou les silences austères qui alternent avec les dialogues explicatifs donnent à l’œuvre une beauté étrange qui lui permet de séduire sur la forme, au-delà de l’efficacité du propos. On peut par ailleurs inscrire le film dans la mouvance de métrages iraniens récents axés sur la dignité de l’homme face aux atteintes à la liberté et au déni de justice : le personnage de Reza fait alors écho à la directrice d’atelier dans Un vent de liberté de Behnam Bezhadi, et le couple qu’il forme avec Hadis n’est pas sans rappeler celui campé par Shoheim Hosseini et Taraneh Alidoosti dans Le client d’Asghar Farhadi. Au final, ce film coup de poing est l’un des plus aboutis du cinéma iranien. Ce qui n’en rend que plus injuste le traitement réservé au réalisateur dans son pays.
Festival de Cannes 2017 : Prix Un Certain Regard
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