Le 13 juillet 2024
- Scénariste : Romain Dutter >
- Dessinateur : Simon Géliot
- Genre : Adaptation, Drame, enquête, Histoire ouvrière
- Editeur : Steinkis
- Famille : Roman graphique
Dans un bassin minier du Nord de la France, le 27 décembre 1974 est une date noire. Dans la fosse 3bis de Liévin, un coup de grisou emporte la vie de 42 mineurs. Quarante après les faits, un homme qui a perdu son frère, ce matin-là, revient sur les lieux pour le venger.
Résumé : C’est l’histoire de deux frères dans les pays de la mine dans l’Artois français, qu’une tragédie va séparer. L’ainé décède la nuit du 27 décembre 1974. Le cadet, survivant, grandit, mais la mémoire de son frère disparu ne cesser de le hanter. Le destin d’un homme, c’est aussi le destin des miniers qui est au cœur de cette bande dessinée. Une adaptation talentueuse du roman éponyme de Sorj Chalandon.
Critique : Dans cette histoire, la culpabilité, l’honneur, les remords, la peine, la joie n’apparaissent qu’en éclats. C’est un récit tourmenté, autant celui d’un homme, d’une famille que d’une communauté, d’un groupe, d’un site industriel. En arrière-plan se dessine également les évolutions des campagnes confrontées à l’industrialisation, à l’immigration pour le travail .
Dans ce récit, nous retrouvons autant les couloirs creusés dans les sous-sols des bassins de charbon que ceux qui façonnent l’architecture des prisons. Les analogies suggérées sont fortes comme l’est aussi le sentiment de solitude face aux profondeurs. Les mines, comme le milieu carcéral, sont extrêmement bien décrits, sans emphase ou caricature. Pour le second, le parcours de coordinateur culturel dans le centre pénitentiaire de Fresnes du scénariste n’y est certainement pas pour rien. Romain Dutter, déjà scénariste de trois bandes dessinées parvient subtilement à adapter le roman de Sorj Chalandon. Comme dans le livre, des scansions chronologiques découpent l’album. Le présent est mis face à la réalité du passé et l’aujourd’hui s’éclaire des silences d’hier. Ces allers et retours ne gênent nullement la lecture et permettent, au lieu de cela, de charger le récit en densité narrative.
Le trait semi-réaliste, épais de Simon Géliot donne du caractère à ce récit. Les gueules de ses personnages portent la marque de vies de labeur ou de douleur, L’usage de crayon de papier n’est peut pas anodin, et fait encore écho à la mine noire et charbonneuse au cœur de l’histoire. Le choix des couleurs de Simon Gelliot assisté par Francesco Antonelli et Alexandra Alexakis accompagne le récit et ses chronologies successives. Les demi-teintes soulignent les nuances narratives qui se tissent au fil de la bande dessinée.
Le jour d’avant est un bel album et un bel objet réalisé par les éditions Steinkis. A la fin de l’ouvrage, Les auteurs proposent un dossier de documents, d’archives et de témoignages, sélectionnés parmi la documentation qu’ils ont rassemblée pour construire cet ouvrage. Cet album est à la fois créatif et documentaire, mais il ne se classe pas dans le domaine de la docu-fiction ou de la fiction documentaire. Ce récit est beaucoup plus profond. Il s’agit bien d’un roman adapté habilement en bande dessinée. Le talent de Sorj Chalandon d’aller sonder les méandres de l’âme humaine n’est nullement froissé tout au long de ces pages. Nous ressortons de la lecture avec le sentiment d’une profonde humanité des personnages prisonniers de leurs souvenirs, tristesse, remords et besoin de justice.
Dans sa préface, Sorj Chalandon évoque sa découverte satisfaite de la bande dessinée de Romain Dutter et Simon Géliot et il conclut : « C’est un salut fraternel aux victimes du 27 décembre 1974 et à la littérature ».
240 pages -26 €
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