Le 28 avril 2024
L’actrice et réalisatrice Luàna Bajrami offre le portrait d’une jeunesse qui tente de se reconstruire, dans un pays, le Kosovo, abîmé par huit ans de guerre. Un film saisissant qui va droit au cœur.
- Réalisateur : Luàna Bajrami
- Acteurs : Albina Krasniqi, Elsa Mala, Aurora Ferati, Don Shala
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Kosovar
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h25mn
- Titre original : Bota Jonë
- Date de sortie : 24 avril 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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Résumé : Kosovo, 2007. Zoé et Volta quittent leur village reculé pour intégrer l’université de Pristina. À la veille de l’indépendance, entre tensions politiques et sociales, les deux jeunes femmes se confrontent au tumulte d’un pays en quête d’identité dont la jeunesse est laissée pour compte.
Critique : Elles ont dix-huit ans, et peut-être tout l’avenir du monde devant elles. Sauf que leur monde, celui qu’elles fuient et espèrent à la fois, a connu huit ans de guerre. Les immeubles portent les stigmates des bombardements, l’économie est en berne, générant un absentéisme majeur chez les fonctionnaires et réduisant les étudiants à de vagues révoltes devant les portes de l’université, dont personne n’a que faire. Alors, elles quittent le village de leur enfance pour s’engager dans des études d’anglais et d’économie. Notre monde est un film initiatique qui met en perspective deux jeunes filles, Zoé et Volta, aussi jolies que désenchantées par un univers où les espoirs financiers semblent vains. Pourtant, le désir d’Europe pointe son nez, mais les étudiants qui colorent la capitale ne perçoivent pas les promesses de la paix.
- Copyright Orezane Films
Luàna Bajrami qui n’a que vingt-trois ans réalise son deuxième film. Le long-métrage fait resurgir le souvenir d’une guerre encore vive dans les mémoires, qui a fracturé l’Europe de l’Est. On évoque beaucoup et à juste titre la question de l’Ukraine, au risque d’oublier que les tensions dans l’ex-Yougoslavie ne sont pas vraiment éteintes et qu’elles pourraient de nouveau se réveiller. La réalisatrice parle d’une jeunesse désemparée, qui cherche par tous les moyens à trouver une issue à un avenir bloqué par l’absence d’infrastructures dignes de ce nom, de moyens dévolus à l’université et de travail. Tout est bon pour s’en sortir, jusqu’au suicide de militants qui, faute d’écoute de l’État, ne voient que la mort comme solution. En même temps, la réalisatrice parle d’un monde musulman, en plein renouveau, peu soucieux de religiosité, mais surtout d’émancipation de sa jeunesse et de ses femmes. Les deux jeunes femmes incarnent ce combat pour un au-delà et un ailleurs qu’elles espèrent trouver au milieu des ruines laissées par la guerre civile.
Notre monde, c’est surtout deux magnifiques comédiennes, Albina Krasniqi et Elsa Mala, qui portent à elles deux le rêve d’une vie meilleure. Elles sont belles, déterminées, prêtes à toutes les compromissions pour s’émanciper de la campagne d’où elles viennent. En même temps, elles sont happées par le souvenir de leur enfance, avant le démarrage d’un conflit, qui aura laissé des familles sans parent, et des populations entières dans le désarroi le plus total. Elles découvrent l’amour, la liberté, la sexualité, et les quelques cours dispensés à l’université semblent des fenêtres ouvertes sur le monde. Luàna Bajrami fait preuve d’une immense maturité pour parler d’une époque où elle-même n’était qu’une très jeune enfant. On sent à quel point elle se projette dans le portrait des deux étudiantes, qui auraient pu être ses pareilles, dix ans plus tôt. La cinéaste rend hommage au Kosovo alors qu’elle est née en France, soutenue par Éric Toledano dans son projet.
- Copyright Orezane Films
Le long-métrage se fait l’écho d’un témoignage historique et émotionnel dans un contexte où l’Europe tend à se refermer sur elle-même. Notre monde revendique au contraire la nécessité de se réunir pour faire la paix, et réenchanter les jeunes générations qui aspirent à la gaité et l’épanouissement. Il faut souligner la très belle musique qui accompagne le récit, avec des airs sensuels entre l’Orient et l’Occident. Les deux protagonistes traduisent dans leur comportement, leur gestualité, une synthèse possible des antagonismes culturels. En ce sens, le film est très optimiste et généreux, jusqu’à la fin où les fenêtres s’ouvrent sur la liberté.
Derrière la dureté du propos, Notre monde est un film optimiste et réjouissant qui offre une voix d’espoir à toutes les jeunesses du monde. Luàna Bajrami choisit une parole libre, émancipée, pour porter le destin de toutes les femmes et de tous les hommes, dans un univers où, plus que jamais, la nécessité du vivre ensemble s’impose. Un seul regret sans doute : que les salles de cinéma soient si rares à porter ce film saisissant et important.
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