Loin de Recanati !
Le 6 avril 2015
Un bel hommage au pessimisme lucide du poète Giacomo Leopardi.
- Réalisateur : Mario Martone
- Acteurs : Anna Mouglalis, Elio Germano, Veronica Lazar, Michele Riondino, Isabella Ragonese, Valerio Binasco, Massimo Popolizio, Iaia Forte, Raffaella Giordano, Sandro Lombardi, Edoardo Natoli, Federica De Cola, Giorgia Salari, Gloria Ghergo, Enzo Moscato
- Genre : Biopic, Historique
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Paname Distribution
- Durée : 2h23mn
- Titre original : Il giovane favoloso
- Date de sortie : 8 avril 2015
- Plus d'informations : www.paname-distribution.com
- Festival : Festival de Venise 2014
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Résumé : Italie, XVIIIe siècle. Giacomo Leopardi est un enfant prodige. Issu d’une famille aristocratique, il grandit sous le regard implacable de son père. Contraint aux études dans l’immense bibliothèque familiale, il s’évade dans l’écriture et la poésie. En Europe, le monde change, les révolutions éclatent et Giacomo se libère du joug de son père ultra conservateur. Génie malheureux, ironique et rebelle, il deviendra, à côté de Dante, le plus célèbre poète italien.
Critique : Après avoir ravivé la mémoire du Risorgimento dans le superbe Noi credevamo, Mario Martone voulait, par le biais de la biographie du poète Leopardi, continuer, comme il le dit lui-même dans une note d’intention, tenter de mettre en lumière des pans du passé de l’Italie susceptibles d’éclairer utilement le présent.
Il tenait aussi à débarrasser ce libre penseur à l’esprit ironique et frondeur, dépourvu de préjugés de classe, de la vision commode, rhétorique, tendant à attribuer sa tristesse irrémédiable à son piètre état de santé.
Le Leopardi qu’interprète Elio Germano dans le film apparaît effectivement comme animé par un pessimisme lucide et rageur, en porte-à-faux avec l’optimisme de rigueur à une époque qui cultivait la religion du progrès universel.
- Il giovane favoloso - Mario Martone 2014 - Paname distribution
L’énergie déployée par l’acteur impressionne et a peut-être contribué au succès considérable du film en Italie (plus d’un million d’entrées en six semaines), mais n’échappe pas tout à fait à un goût de la performance (de plus en plus bossu) qui en limite un peu l’impact.
De même, on peut rester parfois dubitatif face à une démarche esthétique un peu trop sage qui a le mérite de privilégier les atmosphères très lumineuses et solaires malgré des passages plus sombres (admirable photo de Renato Berta) mais qui, bien que le cinéaste se défende d’avoir voulu faire un film historique, soigne trop ou pas assez la reconstitution (ni maniaque à la Visconti, ni vraiment stylisée) et aurait sans doute gagné à adopter des partis pris plus tranchés.
- Il giovane favoloso - Mario Martone 2014 - Paname distribution
Quant aux textes de Leopardi, ils sont évidemment présents à l’appel, à commencer par l’inévitable Infinito (Sempre caro mi fu quest’ermo colle, …) et le non moins célèbre La ginestra (Qui su l’arida schiena / Del formidabil monte / Sterminator Vesevo, …), déclenché par une éruption du Vésuve et donnant lieu ici à une séquence un peu trop illustrative pour atteindre la dimension cosmique escomptée. Quant à la statue vivante en image de synthèse qui apparaît lors de la lecture du Dialogue entre la Nature et un Islandais, elle laisse perplexe, tout comme les irruptions de la musique planante de Sascha Ring qui banalise, voire anesthésie la portée de certains passages.
Il giovane favoloso ne parvient en somme pas tout à fait, ni ne cherche vraiment d’ailleurs, à s’affranchir d’un côté scolaire, d’application scrupuleuse d’un cahier des charges, que Martone assume avec une espèce de modestie dont on lui sait gré mais qui ne lui permet que par moments de retrouver la force et l’intensité de ses films précédents.
- Il giovane favoloso - Mario Martone 2014 - Paname distribution
Une certaine âpreté désespérée toute Leopardienne est pourtant bien là, sous-tendant l’ensemble, et les passages mémorables ne manquent pas, comme l’éprouvante confrontation avec le père et l’oncle après la tentative de fuite avortée ou la descente aux Enfers dans la grotte-bordel napolitaine.
Martone, grand metteur en scène de théâtre, sait aussi faire trouver la note juste à ses nombreux acteurs, celle qui donne au personnage des contours précis tout en échappant à la caractérisation réductrice. On signalera notamment les interprétations remarquables de Massimo Popolizio (Monaldo, le père), Valerio Binasco (l’écrivain Pietro Giordani) ou Michele Riondino (l’ami Antonio Ranieri), sans oublier Raffaella Giordano (Adelaïde, la mère, glaçante lorsqu’elle déclare sèchement qu’elle lira les poèmes de son génie de fils dès qu’elle le pourra - appena potrò !) ou Isabelle Ragonese (Paolina la sœur dévouée).
On aura compris qu’en débit des quelques réserves exprimées plus haut, Il giovane favoloso est une œuvre forte que ses maladresses mêmes contribuent à rendre attachante.
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