Le 18 novembre 2020
- Scénariste : Giuseppe de Nardo>
- Dessinateur : Antonio Lucchi
- Genre : Policier
- Editeur : MOSQUITO
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 21 août 2020
Cette BD au graphisme original est dessinée par Antonio Lucchi. Le scénario, qui fait la part belle au complot et à l’investigation, est rédigé par Giuseppe de Nardo. Deux artistes de talent qui nous content un pan romancé de la vie de Léonard de Vinci auquel on adhère avec plaisir sans se poser de question.
Résumé : Léonard de Vinci, l’ombre de la conjuration nous transporte en l’an de grâce 1478 à Florence. Léonardo de Vinci, le seul, l’unique, encore jeune, se réveille après une nuit difficile, quand on tambourine sauvagement à sa porte. La journée commence mal. Une tentative de meurtre sur Laurent de Médicis, une foule assoiffée de sang, un ami en danger de mort, le peintre inventeur va avoir fort à faire dans cette ville en effervescence.
Le récit démarre tranquillement par ce réveil lent et va s’accélérer de plus en plus. Mais il ne s’agit pas d’une course contre la montre, puisque l’histoire s’étend sur plus de quarante ans. Les parts de mystère qui se posent au fur et à mesure sont résolues bien plus tardivement. Ce recul, ce jeu avec le temps, car l’histoire fait des bonds elliptiques de plus de vingt ans, se mêlent avec habileté au flashbacks qui nous dévoilent ce que nous ignorions ou bien ce que nous supposions. Giuseppe de Nardo manie les époques et le temps avec talent, tout comme il joue avec l’espace, puisque l’histoire s’étale de Florence à Milan en passant par Amboise.
Léonard, curieux, inventif, impatient, insatisfait, devient attachant grâce à cette personnalité qui fit de lui un des grands noms du quattrocento italien. Les deux amis qui l’aident dans cette aventure, et son fidèle valet Gnapa sont autant de personnages secondaires auxquels on s’attache jusqu’au dénouement inattendu.
Une petite ombre au tableau surgit dans la gestion des dialogues. Une bulle où les mots mal placés dépassent, une confusion dans les noms qui peut laisser un instant perplexe et d’autres légers points qui peuvent porter ombrage à la lisibilité de l’histoire, mais toutefois balayés par le flot du graphisme de Antonio Lucchi.
Giuseppe de Nardo, Antonio Lucchi / Mosquito
Le dessinateur nous offre une double claque visuelle. D’abord, le temps présent, traité dans un style rappelant la peinture. Les personnages, les décors sont tracés par les ombres et les lumières, par les jeux des couleurs. Mais il ne s’agissait pas de retrouver la patte des peintres de la renaissance Italienne, ceux de Florence ou de Milan, avec leur velouté, leur précision, leur harmonie. Bien au contraire, Antonio Lucchi a su se couper de ce poids bien lourd à porter en jouant sur l’estompe, l’esquisse. Ces dessins sont précis et en même temps, se diluent, se mêlent aux décors. Les contrastes forts permettent de créer des zones sombres, noires, comme dans cette dernière scène à Milan. Ces tracés sans contour semblent absorber les détails, emportant les traits du visage, pour ne garder parfois que l’éclat intense des yeux. Ses plis sont rehaussés de salves de traits blancs. Si Léonard a une influence sur Lucchi, c’est par son sfumato, cette capacité à faire disparaître par couche les arrière-plans dans la pénombre du lointain.
Antonio Lucchi reprend cette idée et l’applique en la poussant à l’extrême. Ces personnages d’arrière-plan semblent parfois des zones de couleurs si bien agencées qu’on perçoit tout de suite l’action, en même temps qu’elle semble juste tracée de quelques coups de pinceau. Les décors lointains, comme les paysages, se perdent et se diffusent dans l’ombre du matin, dans la clarté du jour, ou dans l’opacité de la nuit. Il n’y a qu’à voir cette fameuse première page, qui pose tout de suite un décor magnifique, mais une technique qui vous frappe avec cette vue en plongée de Florence, dessinée par ces toits, ces murs, ce fleuve, en touche quasi impressionniste.
Giuseppe de Nardo, Antonio Lucchi / Mosquito
Nous avons évoqué une double claque visuelle. La seconde vient avec les flash-back, traités totalement différemment. Ces grandes pages oublient la gouttière, les fonds de pages, et se présentent comme autant de cases explosées. Le dessin se coupe de la peinture et redevient crayonné. Des crayonnés charbonneux, hachurés avec violence. Plus que l’action de ces pages, ce sont bien les multiples hachures qui donnent une force, une énergie saccadée au dessin qui explose. Là où aucune ligne de vitesse n’apparaît dans le traitement des moments présents, peints, où tout repose sur le volume des corps et des amples capes que portent les personnages, à l’opposé, tout n’est que hachure et mouvement dans le passé. Ces hachures noires griffent le dessin sur un fond sépia, texturé, rappelant le parchemin. Et on pense tout de suite aux cahiers de dessins de Léonard de Vinci, avec ses notes, ses inventions, le clin d’œil fonctionne magnifiquement. Ces dessins ne sont plus des cases, ils semblent des papiers déchirés, séparés par des traits d’encre noire, déchiquetant la page, la tâchant de gouttes noires.
Léonard de Vinci, l’ombre de la conjuration est une incroyable réussite graphique. Mêlant deux techniques que tout pourrait opposer, cette BD parvient à les lier par la cohérence de son histoire. Le récit de plus de cent pages vous offrira un aller simple dans une Italie de rêve, ou plutôt de cauchemar, mais aux dessins bien plus qu’envoûtants.
128 pages – 20 €
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