Le 4 février 2021
Shyamalan retourne aux sources du surnaturel et signe un film d’une perfection vertigineuse.
- Réalisateur : M. Night Shyamalan
- Acteurs : Sigourney Weaver, William Hurt, Joaquin Phoenix, Bryce Dallas Howard, Adrien Brody
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Buena Vista International France
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 11 février 2021 22:40
- Chaîne : Chérie 25
- Titre original : The Village
- Date de sortie : 18 août 2004
Critique : "Gotcha, on vous a bien eus !" Le cinéma de M. Night Shyamalan est souvent réduit à des tours de passe-passe, comme si le réalisateur ne construisait ses films qu’en fonction des futures secousses sismiques de la révélation finale. Avec Le village, Shyamalan confirme pourtant son pur désir de cinéma via le bain de jouvence d’un genre, le fantastique, en le renvoyant à son architecture la plus viscérale. Terreurs archétypales : après les fantômes, après les extra-terrestres, voici venir les créatures de la forêt. Et une hésitation fantastique toujours au centre des enjeux. A l’image d’un Tourneur qui, dans La féline, ne lâche jamais le point de vue de son Irena Dubrovna, dont les craintes extérieures sont nichées au plus profond de son être, Shyamalan se plonge dans ses personnages et se glisse dans leur peau pour adopter leur regard et leurs contradictions existentielles. Un fantôme et un super-héros qui s’ignorent, ou un village entier qui vit dans son no man’s land, son utopie sociale (et fantastique), alors même que des failles craquèlent en son cœur. En fils lointain du réalisateur français, Shyamalan use d’une même poétique de l’étrange, aux suggestions merveilleuses, dans un genre aux habits plus immaculés que jamais.
Certes, l’homme est sous influence. Le caméo à la Hitchcock, et surtout un fétichisme cher à Sir Alfred figurent d’autres traces d’illustre parenté. Fétichisme du reflet et des couleurs, comme autant de formules magiques de grimoire et d’un surnaturel dans ses composantes les plus naïves, empreintes de premier degré. Pourtant, Shyamalan est aussi l’homme de son propre art. Celui d’un flambeau dont les irrésistibles étincelles symbolisent une foi de fer. Pas une foi particulièrement religieuse, mais qui tient davantage d’un sentiment intangible, selon les dires mêmes du réalisateur. Celle qui mène une communauté à vivre en son royaume idéal, Shyamalan se penchant alors sur les lointains reliquats des Pères pèlerins débarqués sur les côtes américaines deux siècles auparavant, fuyant un continent de persécutions et traversant une mer de mythes et d’horreurs. Et le village de Covington, ses craintes de l’extérieur et son bois aux démons, de servir de micro-monde, convoquant l’histoire d’un pays entier par-delà les siècles. Celle aussi, aveugle, d’une Ivy qui, par amour, s’enfonce dans les ténébreuses griffes de la forêt. La peur et son hégémonie, et un fantasme de fuite vers un nouvel éden, magnifiquement photographié par Roger Deakins. Chez Shyamalan, plus encore que le regard du monstre, on a surtout peur d’assumer une réalité parfois plus effrayante encore. A moins d’être guidé par une lumière qui brûle au plus profond des tripes.
Mais au-delà des thèmes et figures éperdument romanesques, au-delà du retour aux sources du surnaturel, la filmographie de Shyamalan en général et Le village en particulier tirent vers un idéal de cinéma, une course au plan parfait qui servira la ligne de dialogue ou le sentiment de vertige. D’une délicatesse infinie, la mise en scène du jeune maître se permet de nombreuses envolées en apesanteur, une main prise au ralenti et arrachée aux monstres de l’ombre, ou une rencontre dans la forêt filmée comme une chorégraphie dans un décor de conte de fées. Une petite musique (somptueuse partition de James Newton Howard, magnifiée par la jeune Hilary Hahn) qui accompagne la terreur en sous-sol d’une famille, ou les pieds affolés lors d’un bal qui tourne court. Sans jamais que le dispositif n’impose sa lourdeur, toujours sur ses pointes, avec la grâce d’une ballerine. Au cœur d’un casting irréprochable, vient la révélation Bryce Dallas Howard, au personnage d’or et à l’incarnation habitée. Shyamalan, toujours plus souverain, signe peut être là son plus beau film, son plus sensible et son plus profond, où le cœur humain et le brouillard du fantastique se rencontrent dans un même monde d’ambiguïtés.
Une petite communauté isolée vit dans la terrifiante certitude qu’une race de créatures mythiques peuple les bois entourant le village. Cette force maléfique est si menaçante que personne n’ose s’aventurer au-delà des dernières maisons, et encore moins pénétrer dans les bois... Le jeune Lucius Hunt, un garçon entêté, est cependant bien décidé à aller voir ce qui se cache par-delà des limites du village, et son audace menace de changer à jamais l’avenir de tous...
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Nicolas 8 septembre 2004
Le village : l’avis pour
M Night Shyamalan dénonce la manipulation par la manipulation....
Je m’attendais à découvrir un film au suspense insoutenable... et j’ai découvert non seulement une prise de position du réalisateur (ce qui est très rare dans ce genre de "blockbusters"), mais aussi une superbe histoire d’amour. A chacun de ses films, Shyamalan déroute, et nous entraîne dans un monde "fantastique" qui n’est pourtant jamais très loin de la réalité.
Ceux qui disent de Shyamalan qu’il est le "maître actuel du suspense" se trompent. La peur n’est qu’un outil pour nous parler d’une seule chose : l’Amour. Celui qui détruit (Malcom et sa femme dans Sixième Sens, Le pasteur veuf dans Signes), celui qui construit aussi. Le cinéma de Shyamalan : un hymne à la vie.
Et si vous ne comprenez pas bien les lignes ci-dessus, revisionnez donc les films, et prenez un peu de recul...