Notre avis : A l’intersection de la physique et de la philosophie, le temps demeure une notion complexe, qui génère une quantité de théories. Cet ouvrage collectif se propose d’en établir une synthèse, dont certains aspects supposent de solides connaissances scientifiques. Les perspectives privilégiées ici sont à la fois diachroniques et synchroniques, soit parce que le thème abordé nécessite quelques rappels historiques (par exemple l’évolution des instruments de mesure du temps), soit parce que la confrontation des points de vue (le passionnant désaccord entre Bergson et Einstein) commande une approche plus frontale des disciplines (quoique, finalement, le philosophe n’ait pas considéré que les principes de la relativité générale invalidaient son propre raisonnement).
En vérité, le temps, que l’on perçoit métaphoriquement comme une flèche, dans un flux sans fin reliant le passé au futur, n’est ni linéaire, ni universel, contrairement à ce que soutenait Newton. En établissant les principes essentiels d’un espace-temps, Einstein a bien sûr révolutionné la science. Il a aussi contribué à un fantasme que cet ouvrage ne pouvait ignorer : le voyage à travers les époques. Un excellent chapitre est consacré à ce sujet.
Si la science n’accusait pas des limites, propres à la pensée humaine, on pourrait envisager que le temps ne soit pas une notion métaphysique. Hélas, à l’échelle d’une histoire qui nous paraît infinie, il est difficile de déterminer un instant zéro, bien que le Big Bang existe et qu’il nous renvoie plus de treize milliards d’années en arrière. Mais quid de ce qui a précédé ? La limite des connaissances achoppe sur une véritable aporie : dès lors qu’il s’agit de déterminer une origine, invariablement celle-ci se dérobe pour devenir une conséquence. Un peu étourdi par ce constat, nous aurions presque envie de prendre congé sur un aphorisme de Woody Allen.
Mais la grande qualité de l’ouvrage exhorte à une lecture intégrale, au moins pour constater que les évidences les moins interrogées sont pourtant les plus à plaindre. Ainsi, nous nous souviendrons, lorsque notre prochain interlocuteur nous parlera de la mesure du temps, de corriger l’assertion par "mesure des durées", en songeant que le pluriel ne confère pas du tout la même nature à ce mot, selon les expériences individuelles.
Au terme de cet ouvrage, nous ne savons toujours pas ce qu’est le temps, mais nous sommes certains de ne pas l’avoir pas perdu.