Le 28 octobre 2019
Un des plus beaux textes publiés ces dernières années, dont l’hybridation entre étude ethnographique et récit fantastique, décline la limite par évocations successives, sous le haut patronage de la légende mélusinienne.
- Auteur : Emmanuel Raquin-Lorenzi
- Editeur : Editions Loco
- Genre : Essai
- Nationalité : France
- Date de sortie : 14 juin 2019
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Résumé : Guidé par le souvenir d’une femme à corps de serpent, aperçue à l’automne 1976 dans une baraque de la foire de Negreni (Transylvanie), Emmanuel Raquin-Lorenzi entreprend d’explorer les divers ordres de représentation et d’expression qu’on peut recueillir parmi les populations du bassin des trois Cris (le Rapide, le Noir et le Blanc), rivières de montagne qui délimitent le pays du Lac, au nord-ouest des Carpates roumaines. Une enquête ethnographique de terrain menée pendant plus de vingt ans permet au narrateur de conter sa progressive découverte des mouvements de pensée propres aux populations mélangées de ce vieux pays. Ce livre propose en fin d’ouvrage une petite anthologie de textes d’écrivains de cet étrange pays. Mais en fermant le livre, le lecteur ne discernera peut-être plus ce qui sépare la réalité d’une certaine fiction. Il se demandera même qui est vraiment Emmanuel Raquin-Lorenzi...
Notre avis : A tous égards, Le pays du lac est un livre extraordinaire, qui réalise, par hybridations successives, l’exploit de s’enrouler autour de lui-même. Un événement fondateur lui confère à la fois sa structure et son mouvement, contrariant sans cesse les certitudes ethnographiques par des récits absolument édifiants, dont un grand nombre pourrait se détacher de l’ensemble, mener une existence autonome, et même serpenter parmi les contes qui figurent en annexe. Le principe d’incertitude appris dans cette si mystérieuse Transylvanie se réalise sur le mode d’un hapax existentiel : la vision d’un "être sans bras, queue de serpent en place de jambes" au village roumain de Negreni, imprime sa marque iconographique sur tout ce qui, selon les divers ordres du réel, documente les invariants d’un mythe mélusinien, auquel les objets dans leur dimension inchoative, les rites ancestraux, les expériences vécues par les différents protagonistes interrogés, ramènent invariablement. Le point nodal est aussi un point aveugle que l’ethnographie ne saurait saisir selon les catégories classiques de la compréhension. Il lui faudra se déprendre des concepts de mémoire et de transmission, pour infléchir son regard, mettre ses pas dans ceux des personnages qui peuplent cette déambulation, écouter leurs histoires : ainsi, celle de Marika, la jeune trentenaire endeuillée, qui, pénétrant dans un lac, entre dans l’eau de ses larmes, fluidifie son chagrin, à défaut de l’extraire ; ou celle de Férenc le fontainier, épris d’une jeune fille, poursuivi par son regard jusqu’à la folie, se précipitant dans la déroute et sous les sabots d’une jument, avant d’être interrompu par le cri strident d’une enfant.
A chaque moment l’illusion guette, se déploie dans l’incessante recherche de la limite, où les identités et les événements estompent les contours de la rationalité.
« Tout est en tout, peut se changer en tout, l’autre est le même », commente un des personnages. On ne saurait mieux dire.
NB : Sur le même sujet, Emmanuel Raquin-Lorenzi a tourné un magnifique film : Le chant de la couleuvre.
Emmanuel Raquin-Lorenzi - Le pays du lac
Éditions Loco
472 pages - 29 €
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